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NAP NAR


goût, de ne pas laisser imparfaite une fontaine qu’il seroit aisé de rendre l’une des plus belles de la capitale

Nous devons déplorer notre pauvreté en eaux jaillissantes et tombantes, malgré les efforts de l’autorité et les promesses qu’on nous fait depuis si long-temps, lorsqu’on la compare avec la surabondance des eaux que Rome doit à la munificence des souverains pontifes, encore plus qu’à la puissance romaine. Ce luxe est porté à un tel point, qu’une grande reine, qui admiroit les jets d’eau si abondans de La place de Saint-Pierre, crut qu’on en faisait les frais pour elle, et pria qu’on mît un terme à ce jeu ruineux. Mais quelle ne fut pas sa surprise, lorsqu’après avoir vu les fleuves qui couloient des fontaines de Trevi, Navoue et Pauline, etc., on lui affirma, comme cela étoit vrai, que toutes ces eaux étoient pérennes. C’est donc à Rome et dans les nombreuses villa de ses environs, que l’on peut prendre une idée des plus belles et des plus vastes nappes d’eau ; comme c’est là qu’on apprendra l’art de donner aux eaux les formes, la variété de dessin des corps sur lesquels elles ruissèlent, et par des combinaisons ingénieuses de multiplier leur étendue et leur volume.

Mais que sont ces effets de l’art, comparés aux magnifiques nappes d’eau que la nature déploie avec autant de grandeur que de prodigalité dans les diverses parties du monde, et où l’on admire des effets toujours beaux, quoiqu’opposés entr’eux, et toujours variés suivant l’effet du soleil à différentes hauteurs, et le plus ou moins d’abondance des eaux qui les alimentent ? Nous ne décrirons pas la célèbre cataracte de Niagara, qui frappe de surprise, d’admiration et presque d’effroi les voyageurs ; nous nous contenterons de rappeler les cascatelles de Tivoli, célèbres à tant de titres, et par leur propre beauté et par les souvenirs qu’elles retracent. Ces fleuves semblent s’échapper des nuage qui couvrent souvent les hauteurs d’où ils se précipitent en nappes argentées, se détachant sur le fond brun et verdâtre des rochers, et sont transformés, avant d’avoir atteint le fond de la vallée, en un brouillard humide, qui se teint de toutes les nuances du prisme, ou étincèle du seu des diamans.

L’effet le plus magique des eaux tombant en nappes, est celui dont on jouit lorsqu’on peut pénétrer dans le fond d’une caverne dont l’ouverture est entièrement fermée par une nappe d’eau ; rien de plus étonnant alors que le contraste de l’obscurité de la grotte avec le riche tableau qu’offrent les rayons du soleil se jouant à travers le voile éclatant qui remplit l’espace vide, ou éclairant la campagne, qu’on aperçoit par intervalles, comme au travers d’une glace ondulée.

Les Anciens, auxquels les grandes idées sembloient familières, avoient eu celle de faire tomber la grande cascade de l’Anio du haut de constructions soutenues par des arcades où l’on pouvoit circuler, et d’où l’on voyoit le fleuve tout entier grondant sur sa tête, se précipiter devant ses yeux en une nappe immense. La beauté de ce spectacle étoit digne d’exalter l’imagination poétique des Virgile et des Horace, et Stace qui le décrit, inspiré par la sublimité du sujet, élève sa versification à la hauteur de ses modèles.

On peut encore étendre l’acception de nappe d’eau à plusieurs autres combinaisons qui sont du ressort du paysage, et dont l’architecte compositeur de jardins fait une étude particulière.

Lorsqu’on creuse un puits et qu’on arrive à la couche de glaise qui retient les eaux, on dit qu’on est parvenu à la nappe d’eau ; aussi donne-t-on ce nom à toute espèce d’eau non seulement tombante, mais encore qui s’étend horizontalement dans un espace circonscrit, où elle repose tranquille, pure, transparente, et qui réfléchit comme une glace l’azur des cieux, la verdure des arbres, ou les édifices qui ornent ses bords. La rivière de Seine, par exemple, entre le Pont-Royal et le Pont-Neuf, offroit une belle nappe d’eau, qu’on a eu le regret de voir interrompre par un nouveau pont qui n’admet d’excuse que dans son utilité.

Si cette étendue d’eau est renfermée d’une manière régulière par une construction en marbre ou en pierre, et presqu’à fleur de terre, cette nappe d’eau devient un bassin auquel on donne parfois le nom de miroir, comme celui de Marly, qui s’étendoit en face de ce château de féerie, étoit entouré de douze pavillons isolés, et qui doubloit cette brillante image dont le génie flatteur de Charles Lebrun avoit voulu faire le palais et les douze stations du dieu du soleil.

Le lac de Nemi étoit aussi nommé par les Anciens le miroir de Diane. L’on trouve cette dénomination aussi juste que pittoresque, lorsqu’on voit le croissant de cette déesse entouré du cortége scintillant des étoiles, ou plutôt de ses nymphes, se mirer avec une netteté remarquable dans cette belle et tranquille nappe d’eau.

(A. L. C.)


NARNI, l’ancienne Narnia. Petite ville à cinquante-cinq milles de Rome. Ses rues sont étroites ; elle offre peu d’édifices intéressans, avant été saccagée et détruite par les troupes des Vénitiens qui alloient joindre Charles V, assiégeant Clément VII dans le château Saint-Ange.

La ville est en pente et assez désagréable. Au bas on voit un très-beau pont antique sur la Nera : on l’appelle le pont d’Auguste. De quatre grandes arches dont il étoit composé, une seule subsiste en son entier ; des trois autres, il ne reste que les piles avec la naissance de leurs arcs. L’arche qui reste, quoique la moins considérable, est d’une grandeur et surtout d’une hauteur imposante.

Ce pont étant destiné à établir la communication entre deux montagnes fort élevées, il falloit

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