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PERUZZI (Balthazar), né en 1481, mort en 1536.

Trois villes d’Italie se sont disputé l’honneur d’avoir produit ce célèbre architecte. Chacune des trois a en effet quelque droit de le revendiquer : Florence, pour avoir été la patrie de sa famille, Volterre, pour l’avoir vu naître, et Sienne, pour l’avoir fait artiste.

Antoine Peruzzi, noble florentin, voulant fuir les troubles des guerres civiles dont Florence étoit alors le foyer, s’étoit réfugié à Volterre. Il s’y maria et y eut une fille nommée Virginie, et un fils qu’il nomma Balthazar. Il étoit venu dans cette ville pour chercher la paix, mais la guerre sembloit le poursuivre. Volterre fut prise et saccagée. Il y perdit toute sa fortune, heureux d’avoir pu sauver sa famille, qu’il transporta à Sienne. Antoine y mourut peu de temps après, laissant son fils encore en bas âge et sans aucune ressource pour son éducation ; mais la nature et la nécessité sont deux grands maîtres : Balthazar Peruzzi sut profiter de leurs leçons.

La connoissance de quelques artistes avoit fait naître de bonne heure en lui le goût du dessin ; le dénuement dans lequel le laissoit la mort de son père, ne lui permettoit plus de le cultiver comme un goût. Il en fit une étude sérieuse. Il vit les peintures des meilleurs maîtres, les copia, fut bientôt maître lui-même et assez habile, non-seulement pour vivre du produit de ses tableaux, mais pour soutenir sa mère et sa sœur, et pouvoir encore se livrer à des études infructueuses. Ses premiers ouvrages se trouvent à Sienne et à Volterre. Là, il se lia d’amitié avec un peintre de cette ville, nommé Pierre, que le pape Alexandre VI employoit à peindre dans le Vatican. Ce peintre le conduisit à Rome dans l’intention de lui t’faire partager ses travaux. La mort du Pape rompit ce projet de société, et Balthazar se livra à divers ouvrages de fresque, tels que ceux qu’on voit à Saint-Roch, et qui commencèrent sa réputation dans Rome. Cet heureux début lui procura des travaux plus considérables à Ostia, où il peignit en clair-obscur une bataille dans le style antique. Le costume y fut observé avec soin ; les armures, les instrumens de guerre, les boucliers, les cuirasses, tout y est une répétition fidèle des bas-reliefs et des monumens de l’antiquité. Cesare da Sesto l’aida dans cette entreprise, qui acheva de le faire connoître pour ce qu’il valoit.

De retour à Rome, Balthazar Peruzzi contracta une étroite amitié avec le célèbre amateur Augustin Chigi de Sienne, qui croyant trouver en lui un compatriote à produire, vit aussi un grand talent à encourager. Cette liaison fut d’une grande utilité aux arts : on lui dut les beaux ouvrages que le goût de l’amateur commanda à l’artiste ; mais Peruzzi lui dut le loisir et les ressources qui lui permirent de se livrer à l’étude de l’architecture. Il en embrassa toutes les parties, et en devenant grand architecte, il voulut encore faire profiter l’art de bâtir, des rares connoissances qu’il avoit dans l’art de peindre. L’architecture seinte, qui exige un double talent, lui fut redevable en quelque sorte de son origine, et peut-être de sa perfection.

Jusqu’alors la science de la perspective n’étoit guère sortie des livres assez obscurs de quelques savans. Les peintres du quinzième siècle la mettoient en pratique dans les fonds de leurs tableaux. Mais les compositions du temps, pour la plupart, étoient si simples, que leurs fonds n’exigeoient aussi que les procédés élémentaires de la perspective linéaire. A l’époque de Peruzzi, les grands ouvrages de Raphaël, en étendant la sphère de la peinture, avoient à la vérité rendu indispensable l’union de la théorie et de la pratique en ce genre.

Toutefois pour que cette science produisit, comme on l’a vu depuis, un genre d’art particulier, celui qu’on connoît sous le nom d’architecture feinte, il falloit qu’elle reçût une nouvelle sorte d’application à un genre de peintures plus grandes encore, et qui en ont un plus grand besoin, je veux parler des décorations scéniques. Mais l’art dramatique étoit alors dans l’enfance, et restreint aux pieuses conceptions des solennités religienses ; il n’exigeoit guère plus de savoir chez les décorateurs que chez les auteurs. En se livrant, comme il le fit, a la théorie ainsi qu’à la pratique de la perspective, Balthazar Peruzzi sembloit pressentir qu’il étoit destiné à renouveler dans tout son éclat l’art de la décoration de théâtre.

La perfection où il porta du premier coup les ouvrages de cet art peut paroître difficile à croire, quand on sait combien de degrés l’esprit de l’homme parcourt ordinairement pour atteindre le but de l’imitation. Mais il y a tel genre d’imitation qui n’est autre chose qu’une combinaison nouvelle des élémens et des moyens de genres déjà formés et perfectionnés. Il ne faut alors qu’un homme exercé dans leurs procédés, et capable de les réunir en les dirigeant vers un objet nouveau. On voit alors paroître, comme par enchantement, un art dont on ne soupçonnoit pas l’existence.

Ces observations sont nécessaires pour s’expliquer comment Balthazar Peruzzi, le premier des Modernes qui, selon l’histoire, ait peint des décorations de théâtre, a peut-être été le plus habile peintre de ce genre. Il étoit peintre, architecte, grand perspectiviste, dessinateur et peintre d’architecture. Que falloit-il de plus pour faire de lui un grand décorateur scénique ? Une occasion. Elle se présenta bientôt dans les fêtes qui furent données à Julien de Médicis.

Vasari parle en deux endroits des décorations de Peruzzi, d’abord à l’occasion des fêtes en question, et ensuite au sujet de la comédie du cardinal Bibiena, appelée la Calandra, et que Léon X fit représenter devant lui ; ce qui fait