Page:Emile Zola - Le Docteur Pascal.djvu/164

Cette page a été validée par deux contributeurs.

voir, tolérait à peine Martine, faisait répondre à sa mère qu’il dormait, quand elle venait prendre de ses nouvelles, de loin en loin. Et il n’était content que dans cette délicieuse solitude, soigné par la révoltée, l’ennemie d’hier, l’élève soumise d’aujourd’hui. De longs silences régnaient entre eux, sans qu’ils en fussent gênés. Ils réfléchissaient, ils rêvaient avec une infinie douceur.

Pourtant, un jour, Pascal parut très grave. Il avait la conviction à présent que son mal était purement accidentel et que la question d’hérédité n’y avait joué aucun rôle. Mais cela ne l’emplissait pas moins d’humilité.

— Mon Dieu ! murmura-t-il, que nous sommes peu de chose ! Moi qui me croyais si solide, qui étais si fier de ma saine raison ! Voilà qu’un peu de chagrin et un peu de fatigue ont failli me rendre fou !

Il se tut, réfléchit encore. Ses yeux s’éclairaient, il achevait de se vaincre. Puis, dans un moment de sagesse et de courage, il se décida.

— Si je vais mieux, c’est pour toi surtout que ça me fait plaisir.

Clotilde, ne comprenant pas, leva la tête.

— Comment ça ?

— Mais sans doute, à cause de ton mariage… Maintenant, on va pouvoir fixer une date.

Elle restait surprise.

— Ah ! c’est vrai, mon mariage !

— Veux-tu que nous choisissions, dès aujourd’hui, la seconde semaine de juin ?

— Oui, la seconde semaine de juin, ce sera très bien.

Ils ne parlèrent plus, elle avait ramené les yeux sur le travail de couture qu’elle faisait, tandis que lui, les regards au loin, restait immobile, le visage grave.