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LES ROUGON-MACQUART.

gagner un billet de mille francs, je puis vous en fournir les moyens.

Il y eut un nouveau silence.

— Si l’affaire est propre, murmura Antoine, qui avait l’air de réfléchir. Vous savez, je ne veux pas me fourrer dans vos manigances.

— Mais il n’y a pas de manigances, reprit Félicité, souriant des scrupules du vieux coquin. Rien de plus simple : vous allez sortir tout à l’heure de ce cabinet, vous irez vous cacher chez votre mère, et ce soir, vous réunirez vos amis, vous viendrez reprendre la mairie.

Macquart ne put cacher une surprise profonde. Il ne comprenait pas.

— Je croyais, dit-il, que vous étiez victorieux.

— Oh ! je n’ai pas le temps de vous mettre au courant, répondit la vieille avec quelque impatience. Acceptez-vous ou n’acceptez-vous pas ?

— Eh bien ! non, je n’accepte pas… Je veux réfléchir. Pour mille francs, je serais bien bête de risquer peut-être une fortune.

Félicité se leva.

— À votre aise, mon cher, dit-elle froidement. Vraiment, vous n’avez pas conscience de votre position. Vous êtes venu chez moi me traiter de vieille gueuse, et lorsque j’ai la bonté de vous tendre la main dans le trou où vous avez eu la sottise de tomber, vous faites des façons, vous ne voulez pas être sauvé. Eh bien ! restez ici, attendez que les autorités reviennent. Moi, je m’en lave les mains.

Elle était à la porte.

— Mais, implora-t-il, donnez-moi quelques explications. Je ne puis pourtant pas conclure un marché avec vous sans savoir. Depuis deux jours j’ignore ce qui se passe. Est-ce que, je sais, moi, si vous ne me volez pas ?

— Tenez, vous êtes un niais, répondit Félicité, que ce cri