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LA FORTUNE DES ROUGON.

Il tournait le bouton de la porte, lorsque Rougon le retint vivement.

— Écoutez, Sicardot, dit-il.

Et il l’entraîna dans un coin, en voyant que Vuillet tendait ses larges oreilles. Là, à voix basse, il lui expliqua qu’il était de bonne guerre de laisser derrière les insurgés quelques hommes énergiques, qui pourraient rétablir l’ordre dans la ville. Et comme le farouche commandant s’entêtait à ne pas vouloir déserter son poste, il s’offrit pour se mettre à la tête du corps de réserve.

— Donnez-moi, lui dit-il, la clef du hangar où sont les armes et les munitions, et faites dire à une cinquantaine de nos hommes de ne pas bouger jusqu’à ce que je les appelle.

Sicardot finit par consentir à ces mesures prudentes. Il lui confia la clef du hangar, comprenant lui-même l’inutilité présente de la résistance, mais voulant quand même payer de sa personne.

Pendant cet entretien, le marquis murmura quelques mots d’un air fin à l’oreille de Félicité. Il la complimentait sans doute sur son coup de théâtre. La vieille femme ne put réprimer un léger sourire. Et comme Sicardot donnait une poignée de main à Rougon et se disposait à sortir :

— Décidément, vous nous quittez ? lui demanda-t-elle en reprenant son air bouleversé.

— Jamais un vieux soldat de Napoléon, répondit-il, ne se laissera intimider par la canaille.

Il était déjà sur le palier, lorsque Granoux se précipita et lui cria :

— Si vous allez à la mairie, prévenez le maire de ce qui se passe. Moi, je cours chez ma femme pour la rassurer.

Félicité s’était à son tour penchée à l’oreille du marquis, en murmurant avec une joie discrète :

— Ma foi ! j’aime mieux que ce diable de commandant aille se faire arrêter. Il a trop de zèle.