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LA CURÉE

une attention profonde. La tante Élisabeth se troublait, ne trouvait sans doute pas la phrase, et, en rougissant :

— Seulement, continua-t-elle, je désire que la propriété de ces terrains soit reportée sur la tête du premier enfant de Renée. Vous comprendrez mon intention, je ne veux pas que cet enfant puisse un jour être à votre charge. Dans le cas où il mourrait, Renée resterait seule propriétaire.

Il ne broncha pas, mais ses sourcils tendus annonçaient une grande préoccupation intérieure. Les terrains de Charonne éveillaient en lui un monde d’idées. Mme Aubertot crut l’avoir blessé en parlant de l’enfant de Renée, et elle restait interdite, ne sachant comment reprendre l’entretien.

— Vous ne m’avez pas dit dans quelle rue se trouve l’immeuble de deux cent mille francs ? demanda-t-il, en reprenant son ton de bonhomie souriante.

— Rue de la Pépinière, répondit-elle, presque au coin de la rue d’Astorg.

Cette simple phrase produisit sur lui un effet décisif. Il ne fut plus maître de son ravissement ; il rapprocha son fauteuil, et avec sa volubilité provençale, d’une voix câline :

— Chère dame, est-ce bien fini, parlerons-nous encore de ce maudit argent ?… Tenez, je veux me confesser en toute franchise, car je serais au désespoir si je ne méritais pas votre estime. J’ai perdu ma femme dernièrement, j’ai deux enfants sur les bras, je suis pratique et raisonnable. En épousant votre nièce, je fais une bonne affaire pour tout le monde. S’il vous reste quelques préventions contre moi, vous me pardonnerez plus tard,