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LES ROUGON-MACQUART

tume. Elle se trouvait déjà de l’autre côté de la grille, lorsque, pour dire quelque chose, avouant sans le vouloir une préoccupation qui tournait vaguement dans sa rêverie depuis le restaurant :

— Qu’est-ce donc, demanda-t-elle, que ce peigne dont a parlé le garçon ?

— Ce peigne, répéta Maxime embarrassé, mais je ne sais pas…

Renée comprit brusquement. Le cabinet avait sans doute un peigne qui entrait dans le matériel, au même titre que les rideaux, le verrou et le divan. Et, sans attendre une explication qui ne venait pas, elle s’enfonça au milieu des ténèbres du parc Monceau, hâtant le pas, croyant voir derrière elle ces dents d’écaille où Laure d’Aurigny et Sylvia avaient dû laisser des cheveux blonds et des cheveux noirs. Elle avait une grosse fièvre. Il fallut que Céleste la mît au lit et la veillât jusqu’au matin. Maxime, sur le trottoir du boulevard Malesherbes, se consulta un moment, pour savoir s’il rejoindrait la bande joyeuse du café Anglais ; puis, avec l’idée qu’il se punissait, il décida qu’il devait aller se coucher.

Le lendemain, Renée s’éveilla tard d’un sommeil lourd et sans rêves. Elle se fit faire un grand feu, elle dit qu’elle passerait la journée dans sa chambre. C’était là son refuge, aux heures graves. Vers midi, son mari ne la voyant pas descendre pour le déjeuner, lui demanda la permission de l’entretenir un instant. Elle refusait déjà avec une pointe d’inquiétude, lorsqu’elle se ravisa. La veille, elle avait remis à Saccard une note de Worms, montant à cent trente-six mille francs, un chiffre un peu gros, et sans doute il voulait se donner la galanterie de lui remettre lui-même la quittance.