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LA CONQUÊTE DE PLASSANS.

tout bas à l’oreille de Guillaume, qui faisait des signes affirmatifs, en pouffant de rire. Celui-ci, pour ajouter sans doute quelques détails, se pencha à son tour. Et tous deux, se rapprochant, les yeux allumés, se régalèrent longtemps de cette anecdote, qu’on ne pouvait risquer devant les dames.

Cependant, l’abbé Faujas était resté là. Il n’écoutait plus ; il suivait les mouvements de M. Delangre, qui s’agitait fort dans le salon vert, prodiguant les amabilités. Ce spectacle l’absorbait au point qu’il ne vit pas l’abbé Bourrette l’appelant de la main. L’abbé dut venir le toucher au bras, en le priant de le suivre. Il le mena jusque dans la pièce où l’on jouait, avec les précautions d’un homme qui a quelque chose de délicat à dire.

— Mon ami, murmura-t-il, quand ils furent seuls dans un coin, vous êtes excusable, c’est la première fois que vous venez ici ; mais je dois vous avertir, vous vous êtes compromis beaucoup en causant si longtemps avec les personnes que vous quittez.

Et, comme l’abbé Faujas le regardait, très-surpris :

— Ces personnes ne sont pas bien vues… Certes, je n’entends pas les juger, je ne veux entrer dans aucune médisance. Par amitié pour vous, je vous avertis, voilà tout.

Il voulait s’éloigner, mais l’autre le retint, en lui disant vivement :

— Vous m’inquiétez, cher monsieur Bourrette ; expliquez-vous, je vous en prie. Il me semble que, sans médire, vous pouvez me fournir des éclaircissements.

— Eh bien ! reprit le vieux prêtre après une hésitation, le jeune homme, le fils du docteur Porquier, fait la désolation de son honorable père et donne les plus mauvais exemples à la jeunesse studieuse de Plassans. Il n’a laissé que des dettes à Paris, il met ici la ville sens dessus dessous… Quant à M. de Condamin…