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LES ROUGON-MACQUART.

— Oui, elle était venue hier à la sacristie… Comme je tiens à lui être agréable, je lui avais promis d’aller voir aujourd’hui ce diable d’homme… Moi, j’étais certain qu’il refuserait.

— Et il a refusé ?

— Non, j’ai été bien surpris, il a accepté.

Mouret ouvrit la bouche, puis la referma. Le prêtre clignait les yeux d’un air extrêmement satisfait.

— Il faut confesser que j’ai été bien habile… Il y avait plus d’une heure que j’expliquais à Faujas la situation de madame votre belle-mère. Il hochait la tête, ne se décidait pas, parlait de son amour de la retraite… Enfin j’étais à bout, lorsque je me suis souvenu d’une recommandation de cette chère dame. Elle m’avait prié d’insister sur le caractère de son salon, qui est, comme toute la ville le sait, un terrain neutre… C’est alors qu’il a semblé faire un effort et qu’il a consenti. Il a formellement promis pour demain… Je vais écrire deux lignes à l’excellente madame Rougon pour lui annoncer notre victoire.

Il resta encore là un moment, se parlant à lui-même, roulant ses gros yeux bleus.

— Monsieur Rastoil sera bien vexé, mais ce n’est pas ma faute… Au revoir, cher monsieur Mouret, bien au revoir ; tous mes compliments chez vous.

Et il entra dans l’église, en laissant retomber doucement derrière lui la double porte rembourrée. Mouret regarda cette porte avec un léger haussement d’épaules.

— Encore un bavard, grommela-t-il ; encore un de ces hommes qui ne vous laissent pas placer dix paroles, et qui parlent toujours pour ne rien dire… Ah ! le Faujas va demain chez la noiraude ; c’est bien fâcheux que je sois brouillé avec cet imbécile de Rougon.

Puis, il courut tout l’après-midi pour ses affaires. Le soir, en se couchant, il demanda négligemment à sa femme :