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LES ROUGON-MACQUART.

Un matin, Rose lui fit signe de la suivre dans sa cuisine.

— Ah bien ! monsieur, dit-elle en fermant la porte, il y a plus d’une heure que je vous guette descendre de votre chambre.

— Est-ce que tu as appris quelque chose ?

— Vous allez voir… Hier soir, j’ai causé plus d’une heure avec madame Faujas.

Mouret eut un tressaillement de joie. Il s’assit sur une chaise dépaillée de la cuisine, au milieu des torchons et des épluchures de la veille.

— Dis vite, dis vite, murmura-t-il.

— Donc, reprit la cuisinière, j’étais sur la porte de la rue à dire bonsoir à la bonne de M. Rastoil, lorsque madame Faujas est descendue pour vider un seau d’eau sale dans le ruisseau. Au lieu de remonter tout de suite sans tourner la tête, comme elle fait d’habitude, elle est restée là, un instant, à me regarder. Alors j’ai cru comprendre qu’elle voulait causer ; je lui ai dit qu’il avait fait beau dans la journée, que le vin serait bon… Elle répondait : « Oui, oui », sans se presser, de la voix indifférente d’une femme qui n’a pas de terre et que ces choses-là n’intéressent point. Mais elle avait posé son seau, elle ne s’en allait point ; elle s’était même adossée contre le mur, à côté de moi…

— Enfin, qu’est-ce qu’elle t’a conté ? demanda Mouret, que l’impatience torturait.

— Vous comprenez, je n’ai pas été assez bête pour l’interroger ; elle aurait filé… Sans en avoir l’air, je l’ai mise sur les choses qui pouvaient la toucher. Comme le curé de Saint-Saturnin, ce brave M. Compan, est venu à passer, je lui ai dit qu’il était bien malade, qu’il n’en avait pas pour longtemps, qu’on le remplacerait difficilement à la cathédrale. Elle était devenue tout oreilles, je vous assure. Elle m’a même demandé quelle maladie avait monsieur