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LES ROUGON-MACQUART.

— Madame Marty.

Une femme maigre entra, laide, ravagée de petite vérole, mise avec une élégance compliquée. Elle était sans âge, ses trente-cinq ans en valaient quarante ou trente, selon la fièvre nerveuse qui l’animait. Un sac de cuir rouge, qu’elle n’avait pas lâché, pendait à sa main droite.

— Chère madame, dit-elle à Henriette, vous m’excusez, avec mon sac… Imaginez-vous, en venant vous voir, je suis entrée au Bonheur, et comme j’ai encore fait des folies, je n’ai pas voulu laisser ceci en bas, dans mon fiacre, de peur d’être volée.

Mais elle venait d’apercevoir Mouret, elle reprit en riant :

— Ah ! monsieur, ce n’était point pour vous faire de la réclame, puisque j’ignorais que vous fussiez là… Vous avez vraiment en ce moment des dentelles extraordinaires.

Cela détourna l’attention de l’éventail, que le jeune homme posa sur un guéridon. Maintenant, ces dames étaient prises du besoin curieux de voir ce que madame Marty avait acheté. On la connaissait pour sa rage de dépense, sans force devant la tentation, d’une honnêteté stricte, incapable de céder à un amant, mais tout de suite lâche et la chair vaincue, devant le moindre bout de chiffon. Fille d’un petit employé, elle ruinait aujourd’hui son mari, professeur de cinquième au lycée Bonaparte, qui devait doubler ses six mille francs d’appointements en courant le cachet, pour suffire au budget sans cesse croissant du ménage. Et elle n’ouvrait pas son sac, elle le serrait sur ses genoux, parlait de sa fille Valentine, âgée de quatorze ans, une de ses coquetteries les plus chères, car elle l’habillait comme elle, de toutes les nouveautés de la mode, dont elle subissait l’irrésistible séduction.