Page:Eliot - Silas Marner.djvu/300

Cette page n’a pas encore été corrigée

présenté toutes leurs scènes de discussion, « je sens que j’ai eu raison de lui répondre non, bien que cela me fût plus pénible que toute autre chose ; mais comme Godfrey s’est bien comporté à cet égard ! Beaucoup de maris eussent été très fâchés contre moi pour avoir résisté à leurs désirs. Ils auraient été capables d’insinuer qu’ils avaient eu de la mauvaise chance en m’épousant. Godfrey, au contraire, n’a jamais été homme à me dire une parole dure. Il ne montre de son chagrin que ce qu’il n’en peut cacher : tout lui semble si vide, je le sais ; et les terres… quel changement ce serait pour lui, lorsqu’il va en surveiller l’exploitation, s’il faisait tout cela en songeant à des enfants en train de grandir ! Pourtant, je ne veux pas murmurer ; peut-être que, s’il s’était marié avec une femme qui lui eût donné des enfants, elle l’aurait tourmenté d’une autre façon. »

L’idée de cette possibilité était la principale consolation de Nancy. Afin de renforcer cette idée, elle s’ingéniait à avoir pour Godfrey une tendresse plus parfaite que celle dont toute autre épouse aurait été capable. Elle avait été obligée, bien malgré elle, de l’affliger par un unique refus. Godfrey ne restait pas insensible aux efforts de cette tendresse, et n’était point injuste au sujet des motifs de l’obstination de Nancy. Il était impossible qu’il eût vécu avec elle pendant quinze années, sans savoir que les traits principaux du caractère de sa femme étaient un attachement désintéressé à ce qui est juste et