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Cependant, ses fiançailles étaient annoncées avant celles de Laure et il ignorait encore le nom de celui qui l’avait supplanté dans le cœur de la jeune fille.

— Sans doute, se disait-il, celui-là n’a-t-il pas fait grâce à la victime au dernier moment. Il a été le beau dompteur, brutal jusqu’au bout.

« Je voudrais bien le connaître, ce vainqueur !

Et il se dissimulait à lui-même que la jalousie seule le faisait parler ainsi.

Cependant, si Gérard ignorait le nom de son heureux rival, Laure, elle, avait appris les fiançailles du jeune ingénieur.

La tante Adèle s’était fait un malin plaisir de les lui annoncer et de lui fournir tout un luxe de détails sur la fiancée, Éliane, qui était, disait-elle, une jolie blonde, dont la grâce et le charme avaient certainement dû faire vite oublier à Gérard son aventure avec Laure.

— Tant mieux ! répondit celle-ci. Tant mieux ! Tout le mal que je lui souhaite, c’est qu’il soit heureux avec cette petite ; il ne m’intéresse guère, d’ailleurs, ce monsieur. Pourquoi me parler ainsi si longuement de lui ?

— Pour rien, tu sais, on parle beaucoup de cette union. Ce sera un grand mariage.

— Nous n’irons pas.

— Nous aurions tort. Il est vrai qu’on pourrait encore te demander « Et vous, Laure, quand sera-ce votre tour ? » Et puis, on croirait que tu es jalouse.

— Alors, nous irons.

— À propos, il y a M. Albert Duchemin qui est venu. Il insiste beaucoup pour te voir.

— Ah oui ! Encore un prétendant à ma main.

— Drôle de prétendant ! Fat, plein de lui-même, un désœuvré, sans situation sociale.

— Il a de la fortune. Ce n’est pas un vilain parti.

— Comment ? Tu consentirais à l’épouser ?

— Je n’en sais rien, mais il faudra bien que j’épouse quelqu’un, un jour. Que ce soit ce Duchemin ou un autre, peu importe.

— Alors, s’il revient ?

— S’il revient, je le recevrai.

— Comme tu voudras !

Et la tante Adèle se dit en elle-même : « La voilà où je voulais l’amener. »

Certes Albert Duchemin prétendait à la main de Laure, mais il y prétendait sans espoir aucun. Cependant il la