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Mais si bien que soit une petite femme amoureuse dans le lit de son amant, il arrive une heure où il faut penser au retour au domicile conjugal… Aussi Gaby pousse-t-elle un gros soupir et s’assoit sur le lit… Pourtant elle ne se lève pas encore… Entre s’asseoir sur un lit et en descendre, il y a une plus grande distance que le vulgaire ne saurait le croire. Et Gaby s’arrête avant de franchir cette distance… Elle s’arrête et réfléchit.

— À quoi penses-tu ?… lui demande Roger.

— Je pense, mon chéri, que d’habitude, l’amant et le mari sont deux amis. Toutes les femmes que je connais et qui ont des amants sont comme ça… tandis que nous…

— Eh bien ! nous ?… C’est autrement, voilà tout… Et je m’en félicite. Au moins je n’ai pas eu le vilain rôle de prendre la femme d’un ami… Je n’ai pas de remords… Vois-tu, cela m’aurait désespéré que tu fusses la femme d’un ami…

— Tiens… Pour quelle raison ?

— Parce que je t’aurais aimé quand même, je n’aurais pas pu m’empêcher de t’aimer naturellement. Seulement, ma conduite m’aurait diminué à mes propres yeux… C’est peut-être un préjugé, mais j’ai toujours eu le plus profond mépris pour ces hommes qui serrent la main d’un monsieur alors qu’ils viennent de coucher avec sa femme…

— Et moi qui voulais te demander de te faire présenter à mon mari…

— Je n’y tiens pas, tu sais…

Mais Gaby, elle, tient à son idée. Elle en a mentalement supputé tous les avantages, dont le principal sera de voir son amant encore plus fréquemment, puisqu’elle pourra le recevoir chez elle. Et puis, elle augmentera sa sécurité personnelle, car il est régulier que le mari, s’il a des soupçons, ne les porte jamais sur les familiers de la maison. Pour toutes ces raisons, la jeune femme a donc décidé que Roger devait connaître Anselme… Et, lorsqu’une jolie petite femme comme elle a décidé quelque chose, les principes d’un homme ne peuvent rien là-contre. Elle a, pour vaincre lesdits principes, des arguments irrésistibles et elle sait s’en servir, la mâtine. Aussi, Gaby donne-t-elle à Roger toutes sortes de bonnes raisons,