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— Sans doute ! Mais une femme dont le mari était pour moi un inconnu, c’est-à-dire un homme que, pour la justification de ma conduite, je pouvais me représenter comme un infâme individu, un tyran rendant sa compagne très malheureuse, la trompant même de son côté… Au lieu de cela, c’est tout le contraire, ton mari est un brave homme qui respecte les maîtresses de ses amis et adore sa femme… oui, il t’adore…

— Mais, moi, je ne l’adore pas…

— C’est son plus grave tort… mais ce n’est pas une excuse pour moi.

La pauvre Gaby se mit à réfléchir. Elle réfléchissait à présent… Que ne l’avait-elle fait plus tôt ?

— Et c’est de ma faute, dit-elle… C’est de ma faute… Si je n’avais pas eu cette idée de te faire connaître mon mari…

— Évidemment ! Si tu n’avais pas eu cette idée… je n’aurais pas aujourd’hui ces scrupules qui me font une obligation d’honneur de…

— De m’abandonner…

— Je ne peux cependant pas continuer à me conduire comme un mufle à l’égard d’un homme qui a été très chic vis-à-vis de moi !…

— Naturellement… Et c’est vis-à-vis de moi que tu te conduis…

— Tais-toi, Gaby, ne parles pas ainsi… Tu sais combien cela m’est pénible, car il a fallu que je t’aime véritablement, profondément, pour transiger si longtemps avec ma conscience…

— Tout ça, c’est des grands mots… Si tu m’aimais autant que je t’aime…

— Je t’aime autant que tu m’aimes… C’est pour cela que je préfère m’en aller très loin pour ne pas être tenté de te revoir…

— Roger !… Roger… Comme j’ai du chagrin !…

Et, toute sanglotante, la pauvre petite Gaby tomba dans les bras de son amant, qu’elle allait perdre parce qu’elle avait eu un jour cette fatale idée d’en faire l’ami de son mari…