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La porte se referma sur les chers maîtres ; trois représentants de la presse les accompagnaient pour télégraphier les nouvelles, au cours de la séance. Les grands quotidiens, spéculant sur la curiosité publique et escomptant la réclame mondiale que promettait l’événement, avaient installé leurs appareils de transmission hertzienne au seuil de la villa et au siège du journal, de telle sorte qu’ici et là, à Paris, à Londres, à Berlin, aussitôt qu’à Neuilly même, la foule pouvait lire, en lettres blanches projetées sur les écrans noirs, le détail des communications faites par l’inventeur et le résumé des discussions techniques : New-York ne recevait le câble que six minutes plus tard.

Un quart d’heure s’écoula et parut très long. Soudain, l’appel d’une sonnerie électrique provoqua dans les premiers rangs un remous de têtes et d’épaules, avec un murmure qui, peu à peu, se propagea jusqu’aux rangs éloignés ; un reporter levait la main vers l’écran et déclenchait le récepteur ; les lorgnettes se braquèrent. La dépêche apparut.

« 9 h. 45. Réception au parvis de l’hôtel. Échange de civilités. Froide courtoisie. Réserve de part et d’autre. Docteur Auguérand semble très à l’aise, mais sans aucune morgue ; à sa gauche son fidèle ami Thismonard sourit avec un air de triomphe qui autorise tout espoir. Commissaires introduits dans le salon, où des sièges sont disposés en demi-cercle : vaste pièce sévère et glaciale ; à toutes les issues, domestiques chinois debout, muets, barrant le passage à quiconque essaierait de s’égarer dans l’immeuble. Le docteur, adossé à la vieille cheminée du dix-neuvième siècle, se dispose à prendre la parole pour un exposé préliminaire. La séance est ouverte. »

Ce télégramme initial ne fournissait que peu d’éléments aux commentaires : ils se produisirent cependant, sur la phrase relative à M. Thismonard, dont l’attitude triomphale « autorisait tout espoir ». Elle suffit à créer un courant d’opinions encore indécises, mais déjà favorables, tant le désir était nombreux de voir s’affirmer la conquête. C’est pourquoi la désillusion fut vive, même violente, lorsque, dix minutes plus tard, la deuxième dépêche s’inscrivit :