— Madame est là ?
— Oui, mais elle est encore couchée.
— Ça n’a pas d’importance.
— C’est que Madame n’est pas seule.
— Avec qui est-elle ?
— Avec M. Julien.
— Justement. Ça tombe à pic.
Repoussant la servante, Éléonore fit irruption dans le logis, et, d’autorité, pénétra dans la chambre de son amie au moment précis où celle-ci se pâmait dans les bras de son amant.
Des cris effarouchés accueillirent la nouvelle venue.
Lorsqu’elle eut repris ses esprits, Irène s’assit sur le lit, et, interpellant Éléonore :
— En voilà des façons d’entrer sans frapper… Qu’est-ce qu’il t’arrive donc ?
— Il m’arrive… Il m’arrive qu’Edgard m’a plaquée.
— Pas possible ! Non ?… Tu blagues ?…
— Je ne blague pas. C’est la vérité absolue… alors j’ai besoin de toi.
— De moi ?
— Ou plutôt non, pas de toi. C’est Julien que je veux.
Assis lui aussi sur le bord du lit, le jeune homme regarda Éléonore.
— Oui, vous.
Mais Irène protesta :
— Ah ! non ! non !… Si tu es venue ici pour me prendre mon amant, tu peux t’en retourner.
— T’es bête ! Ce n’est pas ça que j’ai voulu dire. J’ai besoin de Julien pour me rendre un service.
— Cent, si vous le voulez, répondit l’amant d’Irène.
— Un seul sera suffisant.
Éléonore raconta alors ce qui s’était passé chez elle.
— Et qu’attendez-vous de moi, en la circonstance, belle enfant ? interrogea Julien.
— Voici : vous êtes journaliste, c’est ce qu’il me faut !… Vous allez faire passer dans le Figaro une petite note pour raconter l’histoire de la nuit dernière…
— Quelle histoire ?
— Eh bien ! celle des cochons de bois et de M. et Mme Couillard. Vous la connaissez bien, puisque vous y étiez avec nous. Vous dénoncerez le scandale… Vous tournerez cela habilement de façon à désigner clairement Edgard sans le nommer.
— Ah ! non ! ça, c’est une rosserie !… Je ne peux pas faire une rosserie à Edgard, c’est mon ami !