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Souvent, sa poitrine était douloureusement secouée par une toux prolongée et terrible qui teintait de rouge son mouchoir…

Le chagrin, l’alcool et les mille agents délétères au milieu desquels elle vivait, avaient eu raison de sa robuste santé de petite nomade habituée à l’air pur de la plaine.

    

Cinq années après le départ de Jacques pour Sud-Oranais, les fluctuations de la vie militaire l’avaient ramené à Batna.

Il y vint avec sa jeune femme, délicate et jolie Parisienne : ils s’étaient connus et aimés sur la Côte d’Azur, un printemps que Jacques, malade, était venu à Nice, en congé de convalescence.

Jacques s’était bien souvenu de ce qu’il appelait maintenant « son idylle bédouine » et en avait même parlé à sa femme… Mais tout cela était si loin et l’homme qu’il était devenu ressemblait si peu au jeune officier d’autrefois…

— J’étais alors un adolescent rêveur et enthousiaste. Si tu savais, ma chère, quelles idées ridicules étaient alors les miennes ! Dire que j’ai failli tout abandonner pour cette petite sauvagesse… Si je m’étais laissé aller à cette folie, que serait-il advenu de moi ? Dieu seul le sait !

Ah, comme il lui semblait ridicule, à présent, le petit lieutenant sincère et ardent des débuts !