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toilette, voire même des bijoux, des fruits et des gâteaux… Toute sa solde y passait. Mais d’autres fois, Abd-el-Kader rentrait ivre, et, alors, il battait sa femme sans rime ni raison.

Yasmina restait aussi indifférente aux caresses qu’aux coups, et gardait le silence. Seulement, elle étouffait entre les quatre murs blancs de la cour mauresque où elle était enfermée, et elle regrettait amèrement l’immensité libre de sa plaine natale, et les grandes ruines menaçantes, et son oued sauvage.

Abd-el-Kader voyait bien que sa femme ne l’aimait point, et cela l’exaspérait.

Alors, il se mettait à la battre férocement…

Mais, dès qu’il voyait qu’elle pleurait, il la prenait dans ses bras et la couvrait de baisers pour la consoler…

Et Yasmina, obstinément, continuait à aimer son Roumi, son Mabrouk… et sa pensée s’envolait sans cesse vers ce Sud-Oranais qu’elle ne connaissait point et où elle le croyait encore…

Elle se demandait avec angoisse si jamais son Mabrouk allait revenir et, dès que personne ne l’observait, elle se mettait à pleurer, longuement, silencieusement.

    

Jacques avait oublié depuis longtemps le rêve d’amour qu’il avait fait, à l’aube de sa vie, dans