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d’autant plus terrible qu’il était très amoureux d’elle. Il commença par la battre cruellement, ensuite il exigea qu’elle lui livrât le nom de son amant.

— C’était un officier… un Musulman… il y a longtemps… et il est parti…

Épouvantée par les menaces de son mari, elle dit le nom du lieutenant Chaâmbi : puisqu’il n’y était plus, qu’importait ? Elle n’avait pas voulu avouer la vérité, dire qu’elle avait été la maîtresse d’un Roumi, ce qui eut encore aggravé sa faute aux yeux d’Abd-el-Kader…

Mais la passion du spahi avait été plus forte que sa colère… Après tout, le lieutenant n’avait certainement pas parlé, il était parti, et personne ne connaîtrait jamais ce secret.

Abd-el-Kader garda Yasmina, mais il devint la terreur du douar de Hadj Salem où il allait souvent réclamer de l’argent à ses beaux-parents qui le craignaient, regrettant déjà de n’avoir pas donné leur fille au tranquille Mohammed Elaour.

Yasmina, toujours triste et silencieuse, passait toutes ses journées à coudre de grossières chemises de toile que Doudja, la vieille tante du spahi, portait à un marchand M’zabi.

Il y avait encore, dans la maison, la sœur d’Abd-el-Kader, Béya, qui devait sous peu épouser l’un des camarades de son frère.

Quand le spahi n’était pas ivre, il rapportait à sa femme des cadeaux, des chiffons pour sa