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donna un baiser, le premier… Ce fut pour Jacques une ivresse sans nom, infinie…

Désormais, dès qu’il était libre, dès qu’il disposait de quelques heures, il partait au galop pour Timgad.

Pour Yasmina, Jacques n’était plus un Roumi, un Kéfer… Il avait attesté l’unité absolue de Dieu et la mission de son Prophète… Et un jour, simplement, avec toute la passion fougueuse de sa race, elle se donna…

Ils eurent un instant d’anéantissement ineffable, après lequel ils se réveillèrent, l’âme illuminée d’une lumière nouvelle, comme s’ils venaient de sortir des ténèbres.

… Maintenant, Jacques pouvait dire à Yasmina presque toutes les choses douces ou poignantes dont était remplie son âme, tant ses progrès en arabe avaient été rapides… Parfois, il la priait de chanter. Alors, couché près de Yasmina, il mettait sa tête sur ses genoux et, les yeux clos, il s’abandonnait à une rêverie imprécise, très douce.

Depuis quelque temps, une idée singulière venait le hanter et quoique la sachant bien enfantine, bien irréalisable, il s’y abandonnait, y trouvant une jouissance étrange… Tout quitter, à jamais, renoncer à sa famille, à la France, rester pour toujours en Afrique, avec Yasmina… Même démissionner et s’en aller, avec elle toujours, sous