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chambre et resta longtemps immobile, atterré. Changer sa vie, devenir comme les autres, abdiquer sa personnalité, ses convictions, devenir un automate, renoncer à la bonne œuvre commencée… chasser Embarka de sa vie… Enfin s’annihiler… Alors, à quoi bon, après, rester ici, dans cette ville qui deviendrait une prison.

Et la nécessité, cruelle comme un arrachement d’une partie de son âme et de sa chair, de s’en aller lui apparut.

Non, il ne se soumettrait pas. Il resterait lui-même…

Un morne ennui envahit son cœur. Mais, courageusement, il ne changea rien à son genre de vie.

    

Une nouvelle douleur l’attendait. Il remarqua que ses amis les marabouts et les chefs indigènes étaient gênés en sa présence, qu’ils ne se réjouissaient plus comme avant de ses visites, qu’ils ne cherchaient plus à le retenir, à l’attirer vers eux. Ils étaient redevenus froids et respectueux. Au café, malgré ses protestations, on se levait, on le saluait et les groupes se dispersaient à son approche.

Le charme de sa vie était rompu… De nouveau, il était un étranger… Quelque chose d’occulte et de méchant avait réveillé toutes les méfiances, toutes les craintes. Son œuvre croulait,