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Saadia était belle et son visage ovale, d’une couleur ombrée et chaude, était tout empreint de la tristesse grave des yeux.

Elle vivait modestement, chez sa mère, et, malgré sa beauté, les Rouara superstitieux la fuyaient.

Andreï, au cours de ses promenades solitaires, la vit plusieurs fois et la vieille inquiète du succès du Roumi comme guérisseur, tint à ne pas s’attirer son hostilité. Elle lui offrit le café de l’hospitalité et ne lui cacha pas sa fille.

Saadia fut attentive à le servir, et silencieuse.

Andreï savait les bruits mystérieux qui couraient sur ces femmes et l’étrangeté de leur existence l’avait attiré et charmé.

La beauté de Saadia et sa tristesse furent pour lui une délicieuse trouvaille et il revint désormais souvent chez la vieille.

Il désira Saadia et ne se défendit pas contre son désir.

Ne serait-ce pas un embellissement de sa vie trop solitaire que l’amour de cette fille de mystère, et une fusion plus entière de son âme avec celle de la terre élue, par l’entremise d’une créature de la race autochtone ?

Voluptueusement, Andreï s’abandonna à la brûlure enivrante de son désir. Saadia, impénétrable, ne trahissait sa pensée que par le regard plus lourd par lequel elle achevait d’étreindre cet homme blond, aux yeux gris, au visage de douceur et de rêve.