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lisait Homère dans le texte, tenant d’une main le livre et de l’autre une poupée. A onze ans elle avait écrit un poème sur la Bataille de Marathon. La Grèce et ses héros remplissaient ses pensées et ses rêves. Ses deux grandes passions s’unissaient parfois en une œuvre étrange, comme quand, avec des fleurs, elle peignait sur le sol de son jardin, un Hector gigantesque, « yeux de gentianes, nez de giroflées et de buis, casque de narcisses ; des violettes pour la bouche, une épée de lis brillants, une cuirasse de pâquerettes et des pervenches entrelacées formant le ceinturon. »[1]

Quoique délicate et frêle, Elizabeth aimait le jeu, les longues promenades à pied ou à cheval. Un jour qu’elle voulut seller elle-même son poney en plein champ, elle tomba sous le poids de la selle, d’une chute si malheureuse que l’épine dorsale fut blessée. Elle avait quinze ans, et presque toute sa vie fut dès lors celle d’une valétudinaire. L’étude et la poésie devinrent ses plus chères joies. A dix-sept ans elle avait écrit un poème didactique, Essay On Mind, qui fut publié, avec de courtes pièces, en 1826.

Miss Browning éprouvait, deux ans plus tard, par la mort de sa mère, la première de ses grandes douleurs. La fortune de la famille ayant subi une notable diminution, M. Barrett quitta le beau domaine de « Hope End », et ce fut pour la jeune fille un vif chagrin. Après un séjour de deux années à Sidmouth, les Barrett vinrent se fixer à Londres, dans le voisinage de Regent’s Park. La santé d’Elizabeth ne s’y améliore pas; toujours confinée à la chambre, et, le plus souvent, étendue sur une chaise longue, elle passe sa vie à lire et à écrire. Le grec reste

  1. Hector in the Garden, dans les « Poèmes » d’Eliz. B. Browning.