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CHAPITRE VII

Par le testament que Mde Champagne venait de signer, elle léguait toutes ses possessions à son petit-fils ; et son vieil ami, Charles Le-Compte était nommé tuteur, ce qui convenait très bien, puisqu’il devait bientôt venir s’établir définitivement à Montréal.

Quant à Edmond Bernier, son nom n’était pas même mentionné. Dans le cas de la mort du jeune enfant, l’héritage retournait à plusieurs couvents et auspices, auxquels la veuve portait intérêt.

Elle avait d’abord eu l’idée de laisser un petit legs à son gendre en récompense des services qu’il lui avait rendus.

Mais son vieil ami la détourna de ce projet.

— Il ne mérite aucune récompense, le gueux ! disait-il. Au fait, quels services vous a-t-il rendus ? Il est venu demeurer avec vous après la mort de sa femme, soit ; mais c’était bien son avantage, il me semble. Il vous a prodigué des consolations et des marques de sympathies hypocrites, puisqu’il faisait semblant de regretter, avec vous, sa défunte femme, pendant qu’il en avait déjà une nouvelle en vue.

Il retirait les loyers, mais il gardait tout, selon ce que vous m’avez dit. Cela le payait bien. Enfin, il a tout votre argent en mains et il ne vous rend jamais compte. Tout cela est louche, bien louche. Mon idée à moi, c’est qu’il a dû faire bien des économies pendant son séjour ici, et des économies à même votre bourse.

Il n’en restera pas trop pour votre petit-fils, soyez en certaine.

Et la veuve, ne pouvant méconnaître la justice de ce raisonnement, s’était décidée à ne rien laisser à son gendre.

Le testament étant terminé et signé, elle avait témoigné le désir de le garder elle-même.

Soupçonneuse et défiante, comme le sont bien des vieilles personnes, il lui semblait que ce précieux document serait plus en sûreté chez elle que chez le notaire, et qu’on l’y trouverait plus facilement en cas de besoin.

Mais le notaire s’étant retiré, son idée changea encore, et elle fut prise d’une peur terrible à la pensée