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LES DEUX TESTAMENTS

avec satisfaction toutes ses affaires à lui, avait hâte de retourner à New York, pour y chercher sa femme et la ramener avec lui.

— Elle et Mde Champagne feront deux bonnes amies, pensait-il. Cependant, on ne sait pas ce qui peut arriver. La pauvre vieille pourrait bien être morte, à mon retour, et, alors, malheur à son pauvre petit-fils !

Il serait trop long de décrire comment il s’y prit pour influencer l’esprit de la veuve. Il lui parla de son devoir, comme seule parente et protectrice de l’enfant que le Seigneur lui avait laissé ; il lui parla de son digne époux qui lui aurait certainement enjoint d’écouter les conseils de son ancien ami, s’il pouvait lui apparaître et lui parler.

Mais la veuve hésita toujours.

Heureusement qu’une circonstance imprévue vint à son aide, au moment où il commençait à désespérer de réussir dans ses projets bienveillants.

Un de ses amis de New York l’avait prié, lors de son départ pour Montréal, de faire une visite et de donner de ses nouvelles à un de ses parents qui demeurait sur la rue St-Laurent.

Comme il commençait à penser à son départ, il songea à exécuter sa commission.

Il se rendit donc chez le parent en question et fut reçu avec une cordialité toute canadienne.

S’étant assis près de la fenêtre, il remarqua tout à coup le veuf Bernier (il l’avait vu une fois chez Mde Champagne), qui passait de l’autre côté de la rue et entrait un peu plus loin dans une belle épicerie.

— Tiens ! ne put-il s’empêcher de s’écrier, le gendre de Mde Champagne !

— Comment, le connaissez-vous ? dit son hôte.

— Mais, oui, il est le gendre de ma plus ancienne amie. Le connaissez-vous, vous aussi ?

— Rien qu’à le voir, comme cela, Je sais qu’il doit épouser bientôt, à ce qu’on dit, la fille de Renaud, l’épicier, chez qui il est entré tout à l’heure. Et on dit qu’il doit hériter de sa belle-mère, qui est très riche. C’est même pour cela que le père Renaud a renvoyé le premier amoureux de sa fille qui était un gentil garçon, mais pas riche du tout.

Du moins, c’est ce que disaient les commères des environs. Dans tous les cas, l’amoureux de la jeune fille, qui était, comme j’ai dit, un gentil garçon et l’orgueil de sa vieille mère, est devenu depuis ce temps un ivrogne et un bon à rien. Le père