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LES DEUX TESTAMENTS

Ayant réussi, à force d’industrie et d’économies, à amasser une somme assez considérable, il venait à Montréal dans le but d’y acheter une propriété quelconque, ou il comptait finir ses jours avec sa digne épouse.

Ses enfants, à qui il avait inculqué son amour pour le Canada, devaient venir le rejoindre, tôt ou tard, eux aussi.

Cependant, bien que ce but fut le plus important de son voyage, il éprouvait le désir de chercher et de retrouver quelques uns des parents et des amis qu’il avait laissés a Montréal, trente-cinq ans auparavant.

Son père et sa mère étaient déjà morts à l’époque de son départ pour les États-Unis. Depuis il avait reçu la nouvelle de la mort de son frère, le seul qu’il eût. Il ne lui restait que quelques cousins et cousines, encore n’était-il pas certain de les retrouver vivants, car il n’en avait pas eu de nouvelles depuis longtemps.

Quant aux amis qu’il avait eus, il n’espérait pas de les retrouver, non plus.

Il commença d’abord à chercher ses cousins et cousines. Hélas ! ils étaient tous morts, et leurs enfants, bien que très sympathiques et hospitaliers envers le parent inconnu jusqu’alors, ne lui semblaient pourtant que des étrangers.

Ce fut la même chose avec les amis.

Il n’en restait plus un seul, à l’exception d’une vieille femme, la veuve d’un de ses amis d’enfance.

Cette veuve était Mde Champagne.

S’il fut désappointé en ne retrouvant qu’elle, de tous ceux qu’il avait connus et aimés, elle fut bienheureuse, isolée qu’elle était, de retrouver quelqu’un à qui elle pouvait parler du bon vieux temps et de son cher défunt, et à qui elle pouvait raconter toutes ses peines et ses chagrins.

Peu à peu l’espèce d’hébétement qui avait suivi son attaque de paralysie s’était dissipé et elle commençait à comprendre plus clairement ce qui se passait autour d’elle.

Hélas ! la pauvre vieille était devenue de plus en plus malheureuse depuis un an.

Son gendre, si bon et si dévoué, avait semblé changer de caractère, depuis ce temps ; il n’avait plus pour elle les mêmes attentions et les mêmes égards ; il rudoyait souvent le petit orphelin ; il lui refusait souvent, à elle et au petit, des choses qui lui semblaient pourtant bien nécessaires et dont elle n’avait jamais manqué avant. Les choses