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LES DEUX TESTAMENTS

Il avait raison ; tous efforts dans ce sens auraient été inutiles, car Edmond Bernier savait calomnier si habilement et connaissait si bien l’art de mêler « un grain de vérité à une livre de mensonge » qu’il eût été bien difficile de prouver la fausseté de ses histoires, surtout à un homme rempli de préjugés comme l’était le père de Maria.

Un jour, quelques jeunes gens d’assez mauvaise réputation, qui connaissaient un peu Xavier, l’avaient rencontré sur la rue, et l’avaient retenu pour causer quelques minutes, malgré les signes d’impatience qu’il donnait. Par malheur, le veuf passait, là, en ce moment, et il n’eut rien de plus pressé que de raconter au père de Maria qu’il avait rencontré Xavier qui flânait sur la rue en compagnie de jeunes gens peu respectables.

Une autre fois, Xavier qui passait devant une auberge vit un homme en sortir chancelant, et tomber à ses pieds en se faisant une large blessure à la tête.

Surmontant son dégoût, il aida charitablement à transporter ce malheureux chez lui.

Ayant appris l’aventure, le veuf donna à entendre que c’était un de ses compagnons de débauche que Xavier avait ainsi secouru.

Aussi, le père Renaud regardait-il, maintenant, avec mépris et aversion, le jeune homme qu’il avait jadis estimé.

Son épouse partageait ses sentiments, et Maria même, commençait à sentir sa confiance s’ébranler, car bien qu’elle éprouvait toujours la même antipathie pour le veuf, elle ne se doutait pas de toute l’étendue de sa perfidie. L’idée de douter de sa parole n’était pas encore venue à son esprit naïf et crédule.

Cependant, elle n’avait pas cessé d’aimer Xavier et elle était bien malheureuse, la pauvre enfant.

Le soir qu’il se promenait devant la maison, l’âme pleine de tristesse et de regrets, Maria n’était pas au salon.

Pendant que son père et le veuf jouaient aux dominos, et que sa mère tricotait en causant avec une parente qui était venue faire un bout de veillée, Maria, prétextant un mal de tête, s’était renfermée dans sa chambre pour pleurer librement, car elle était plus remplie de désespoir que de coutume.

Avait-elle le sentiment de la présence de Xavier auprès de sa demeure ?

Sa douleur était-elle l’écho de celle de son ami ?

Toujours, est-il que loin de diminuer, son désespoir allait croissant.