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LES DEUX TESTAMENTS

que je fasse mon testament. Faites venir le notaire. Mais arrangez tout cela vous-même, car j’ai la tête trop fatiguée, moi, et vous savez ce qu’il faut faire aussi bien que moi.

Sans perdre un instant, Bernier fit venir un notaire de sa connaissance, et se mit en devoir de lui dicter un testament.

La fortune de Mde Champagne se composait des quatre maisons sur le chemin Papineau et de dix mille piastres placées dans la banque de Montréal.

Selon le testament que Bernier dicta au notaire, en présence de la veuve, qui le regardait d’un air approbatif, car elle n’y comprenait rien, la pauvre femme, les dix mille piastres devaient échoir en partage au petit Joseph, et les quatre maisons, à Bernier. De plus, il était, nommé exécuteur testamentaire et tuteur du petit.

Quand le document fut terminé, Mde Champagne le signa sans hésiter, et retombant sur son oreiller, elle s’endormit d’un profond sommeil.

 

Bernier ne perdit pas de temps à annoncer au père de Maria la nouvelle du testament de sa belle-mère.

— Permettez-moi de vous féliciter, mon ami, avait dit le bonhomme, en apprenant cette nouvelle. Mais, il faut dire que avez bien mérité cela, par les soins que vous prodiguez à cette pauvre femme et l’affection toute filiale que vous lui portez… À propos, comment est-elle ?

— Beaucoup mieux, je vous assure ; mais je crains bien qu’elle ne reste paralysée partiellement.

Quel âge a-t-elle, donc ?

— Soixante-cinq ans.

— Pauvre vieille ! elle n’en aura pas pour longtemps, probablement.

— Ne dites pas cela, M. Renaud ! car cette pensée m’afflige profondément. Vous savez, ajouta-t-il, que j’aime autant Mde Champagne que si elle était ma véritable mère.

— Vous avez un si noble cœur, Bernier !

Le veuf baissa les yeux modestement.

Au bout de quelques instants, il reprit la parole, mais avec une voix un peu incertaine, comme celle d’un homme qui craint d’aborder un sujet.

— Je voudrais vous parler de quelque chose qui me tient bien au cœur, M. Renaud.

— Eh bien, parlez, mon ami ! dit le père de Maria, d’un ton encourageant, car il devinait ce dont il s’agissait.

Après une certaine hésitation,