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LES DEUX TESTAMENTS

— Comment cela est-il arrivé ? demanda le veuf qui était lui-même très pâle, car la pensée que Mde Champagne n’avait pas encore fait son testament, le mettait hors de lui.

Tout en étouffant ses sanglots, le petit répondit.

Memère était montée sur une chaise pour prendre quelque chose dans le haut de l’armoire. Moi, je regardais par la fenêtre. Tout à coup, j’ai entendu un grand bruit et je me suis retourné. J’ai vu memère étendue par terre et j’ai couru vers elle en lui demandant si elle s’était fait bien mal. Elle ne m’a pas répondu tout de suite, et je me suis mis à pleurer bien fort. Puis elle a ouvert ses yeux qui étaient fermés et elle s’est soulevée un peu en me disant de l’aider. Elle réussit à se lever debout en s’appuyant sur moi ; elle gagna sa chambre et se jeta sur son lit. Elle est là depuis longtemps et ne parle pas.

Ayant fini son récit, l’enfant se remit à pleurer, tandis que son oncle, se penchant vers la veuve, qu’il avait cru morte, pendant un instant, constata qu’elle n’était que plongée dans une espèce d’évanouissement.

Il ne perdit pas de temps à prévenir quelques unes des voisines et à faire demander un médecin. Lui-même prodigua à sa belle-mère, les soins les plus dévoués et ne la quitta pas pendant plusieurs jours.

Dès sa première visite, le médecin avait déclaré que la veuve était atteinte d’une paralysie causée par sa chute ; mais il ne pouvait préciser encore jusqu’à quel point elle pourrait rester infirme, si elle ne succombait point à cette attaque.

Bernier écoutait avidement tous ces détails.

Tout ce qu’il désirait, lui, c’était que la veuve pût recouvrer assez de lucidité d’esprit et de vigueur pour dicter et signer son testament.

Au bout d’une semaine son désir s’accomplit, car la veuve put s’asseoir dans son lit et causer un peu.

Cependant, Bernier remarqua bien que ses discours avaient encore quelque chose d’incohérent et d’étrange, comme ceux d’une personne qui n’a pas toute sa raison. Mais loin de le contrarier, cette découverte le combla de joie.

— Elle est en mon pouvoir, se dit-il, je lui ferai bien faire tout ce que je voudrai, maintenant.

Il ne se trompait pas. La veuve était d’une docilité parfaite et au premier mot qu’il dit sur la nécessité de faire son testament, elle lui répondit sans hésiter.

— Oui ! oui ! Edmond, il faut