Page:Duval-Thibault - Les deux testaments, 1888.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
15
LES DEUX TESTAMENTS

pleura avec un désespoir qui semblait véritable et sa douleur eut l’effet d’établir entre lui et sa belle-mère une vive sympathie et une amitié étroite. Il vint s’installer chez elle, lui prodigua mille soins et mille consolation. Il se chargea de gérer ses affaires et de retirer ses loyers.

Tout cela fut fait avec un zèle et un tact infini.

Enfin, Edmond Bernier se montra la perle des gendres, et tous ceux qui le connaissaient trouvaient sa conduite admirable et édifiante.

Seul, le petit-fils de Mde Champagne, bien qu’il ne fut encore qu’un bébé de deux ans à cette époque, ne semblait pas partager l’enthousiasme général. Il éprouvait pour son oncle une aversion instinctive et le repoussait chaque fois que celui-ci s’approchait de lui pour le caresser.

À l’époque où commence notre récit, le petit Joseph, qui avait alors six ans, ne semblait pas avoir changé beaucoup de sentiments à l’égard de son oncle, mais il avait appris à dissimuler un peu son aversion qui faisait de la peine à sa grand’mère.

C’était un joli enfant au teint brun et animé, aux grands yeux noirs expressifs et aux cheveux bruns bouclés.

En ce moment, il était assis sur son petit tabouret au pied de sa grand’mère qui était en train de lui raconter une histoire des plus intéressantes.

À peine eut elle finit que Bernier entra.

— Eh bien ! la mère, comment avez-vous passé la journée ? demanda-t-il avec sollicitude et affection.

— Comme de coutume, mon bon Edmond. La chaleur m’a un peu incommodée, voilà tout.

— C’est qu’il a fait une chaleur terrible, aujourd’hui. Et le petit, qu’a-t-il fait toute la journée ?

— Il a joué à l’ombre des arbres devant la porte… Mais il est temps de souper.

Et la veuve, qui était encore vive et alerte pour son âge, se leva et prépara le repas du soir.

Le calme et la paix semblaient avoir établi leur séjour dans cette paisible demeure, où la discorde n’avait jamais songé à s’insinuer.

Cette vieille femme placide et bonne, ce joli enfant aux yeux doux et cet homme digne et sérieux formaient un groupe intéressant, uni comme il semblait l’être par une affection profonde.

Entre son gendre qui avait pour elle la bonté d’un fils et son petit-fils adoré, la veuve coulait des jours paisibles, sinon heureux. Et, sans crainte, elle attendait la mort, certaine comme elle l’était qu’elle lais-