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LES DEUX TESTAMENTS

sympathique et d’une humeur égale.

La seconde moitié de sa vie avait été cruellement éprouvée, pourtant, et elle avait senti la portée de ses malheurs d’autant plus vivement qu’elle avait été la plus heureuse des femmes jusqu’à l’âge de trente-cinq ans.

Son mari était le meilleur homme du monde ; ses enfants au nombre de cinq étaient bons et aimants. Une honnête aisance qui s’accroissait chaque jour dégagea cette heureuse famille de tous soucis matériels. Enfin, tout semblait lui promettre la continuation de son bonheur.

Mais tout change en ce monde.

En 1832 le choléra avait emporté subitement son mari et ses trois fils qui étaient les aînés de la famille.

La pauvre femme resta seule et désolée avec ses deux petites filles qui étaient encore trop jeunes pour savoir sympathiser avec sa douleur et lui prodiguer les consolations dont elle avait tant besoin.

Cependant, les années s’écoulèrent et les deux petites devinrent de grandes et jolies demoiselles en âge d’être mariées.

L’aînée épousa Edmond Bernier que nous connaissons, la cadette, Raoul Allard, un jeune homme peu doué par la fortune, mais loyal et bon, avec qui elle vécut heureuse pendant plusieurs années.

Mais la mort impitoyable emporta dans la même année la jeune femme et son époux. Ils laissèrent un petit orphelin âgé d’un an dont la veuve Champagne se chargea sans hésiter.

La femme d’Edmond Bernier ne fut pas aussi heureuse que sa sœur, car elle ne tarda pas à s’apercevoir que son mari ne l’aimait pas et ne l’avait épousée que pour des motifs mercenaires. Mais d’une nature froide et réservée, elle garda son chagrin en elle-même et sa mère n’en su jamais rien.

Au contraire elle croyait sa fille la plus heureuse des femmes.

Cependant le chagrin minait lentement la santé de la jeune femme et un an après la mort de sa sœur cadette elle rendait son âme à Dieu, heureuse de ne laisser aucun enfant après elle, car les deux qu’elle avait eus étaient morts en bas âge.

La douleur de la veuve Champagne ne connut plus de bornes à la mort de sa dernière fille.

Elle ne savait pas que la mort était une délivrance pour la pauvre jeune femme.

Edmond Bernier parut fort affecté de la mort de sa femme ; il la