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CHAPITRE III

Dans l’un des endroits les plus paisibles du chemin Papineau s’alignaient les quatre maisons de la veuve Champagne, la belle-mère d’Edmond Bernier. Construites en bonnes briques, elles dressaient fièrement leurs trois étages au dessus des maisons de bois environnantes qui n’avaient, pour la plupart, qu’un étage et une mansarde.

Dans la première de ces maisons résidait la veuve, elle-même. Elle occupait le rez de chaussée composé de trois pièces, dont deux chambres à coucher donnant sur la cour intérieure et une grande cuisine et salle à manger, dont les fenêtres s’ouvraient sur la rue.

L’aspect des appartements était propre et confortable. Les chaises et la grande table étaient en cerisier massif. Dans le coin, près de la vaste cheminée, une horloge qui avait dû être importée d’Europe du temps des Français, faisait entendre son tic tac sonore et monotone.

Les murs, blanchis à la chaux, étaient décorées d’images en taille-douce et d’enluminures représentant tous les saints du calendrier. Quant au calendrier, lui-même, il était cloué au mur par des broquettes passées dans des petits ronds de flanelle rouge, genre de décoration encore assez usité, dans certain quartier de Montréal.

Enfin, un immense poêle complétait l’ensemble de cette salle, modeste, mais confortable.

On était rendu à juillet et il avait fait bien chaud, ce jour-là ; mais le soleil commençait à baisser à l’horizon ; une brise fraîche agitait le feuillage vert des érables qui s’alignaient sur le bord du chemin devant la maison.

Assise dans sa chaise berçante placée près de la fenêtre, la veuve Champagne respirait l’air pur avec délice.

Elle était encore jolie, malgré ses soixante cinq ans sonnés. Ses traits étaient réguliers et délicats, son regard doux et bienveillant ; toute sa physionomie respirait la bonté et l’affabilité. Elle était vêtue d’une robe de mérinos noir ; un petit châle de laine à carreaux rouges et noirs était jeté sur ses épaules et une câline blanche à trois rangées de dentelles tuyautée recouvrait ses cheveux argentées.

Son caractère ne démentait pas sa physionomie. Elle était douce,