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pour parrain « noble Prosper Bouin, maître des comptes »[1]. 
Prosper était le troisième enfant de Melchior Jolyot, notaire
 royal et de Henriette Gagnard[2].

Presque tous ses biographes ont répété que les Jolyot étaient 
nobles, et que leur titre primordial, remontant à Philippe le
 Bon (1442), se trouvait au trésor des Chartes de la Chambre
 des comptes, à Dijon. Il est aujourd’hui bien prouvé que ces 
détails sont de pure fantaisie[3].

Crébillon, vers la fin de sa vie, écrivant à M. X… à propos 
de sa généalogie, se rappelle bien avoir entendu parler d’un 
Emonin Jolyot, chambellan de Raoul duc de Bourgogne[4], et 
d’un Simonin Jolyot, chambellan de Philippe le Bon, anobli
 par ce dernier[5] ; leurs titres, retrouvés au cabinet des livres, 
auraient été remis à Melchior ; mais tous les papiers se sont 
perdus, prétend-il, « dans le bouleversement d’un décret », et 
il ne peut fournir autre chose que « le secours d’une vieille 
mémoire »[6]. Quant à Crébillon fils, voici ce qu’il en pensait : 
« Ma famille est, dit-on, fort ancienne, mais cela peut être sans 
qu’elle en soit plus noble. Mon père se berce et compte me 
bercer aussi de je ne sais combien de grandes idées, que je
 crois plus poétiques que vraies »[7].

  1. Registres de la paroisse Saint-Philibert : acte reproduit par Amanton et Jal.
  2. Orthographe très indécise. On trouve dans les actes et dans les
 documents imprimés les formes suivantes : Ganiard, Ganiare, Gaignard, 
Guignard et même Cagnard et Cognard.
  3. Jal les a très sérieusement discutés : cependant M. Vitu n’a pas cru
 devoir les rejeter. M. d’Hugues, dans son étude sur Crébillon, n’admet 
pas la noblesse des Jolyot, mais il se trompe en disant que M. Vitu suit 
l’opinion de Jal. D’Alembert dit simplement mais inexactement que c’est
 une famille ancienne et « illustrée dans la magistrature ».
  4. Quel est ce Raoul ? Nous ne trouvons que Raoul, fils de Richard, 
troisième duc de Bourgogne et roi de France en 923-936. On jugera sans
 doute que Crébillon remontait un peu trop haut.
  5. De la Porte parle de deux frères anoblis à la fois.
  6. Lettre déjà citée.
  7. A M. de Brosses, 4 sept. 1750 (dans Amanton).