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est dans la société, l’espace qu’elle occupe se confond avec l’espace total. Nous avons vu, en effet, comment chaque chose a sa place assignée sur l’espace social ; et ce qui montre bien à quel point cet espace total diffère des étendues concrètes que nous font percevoir les sens, c’est que cette localisation est tout idéale et ne ressemble en rien à ce qu’elle serait si elle ne nous était dictée que par l’expérience sensible[1]. Pour la même raison, le rythme de la vie collective domine et embrasse les rythmes variés de toutes les vies élémentaires dont il résulte ; par suite, le temps qui l’exprime domine et embrasse toutes les durées particulières. C’est le temps total. L’histoire du monde n’a été pendant longtemps qu’un autre aspect de l’histoire de la société. L’une commence avec l’autre ; les périodes de la première sont déterminées par les périodes de la seconde. Ce qui mesure cette durée impersonnelle et globale, ce qui fixe les points de repère par rapport auxquels elle est divisée et organisée, ce sont les mouvements de concentration ou de dispersion de la société ; plus généralement, ce sont les nécessités périodiques de la réfection collective. Si ces instants critiques se rattachent le plus souvent à quelque phénomène matériel, comme la récurrence régulière de tel astre ou l’alternance des saisons, c’est parce que des signes objectifs sont nécessaires pour rendre sensible à tous cette organisation essentiellement sociale. De même, enfin, la relation causale, du moment où elle est posée collectivement par le groupe, se trouve indépendante de toute conscience individuelle ; elle plane au-dessus de tous les esprits et de tous les événements particuliers. C’est une loi d’une valeur impersonnelle. Nous avons montré que c’est bien ainsi qu’elle paraît avoir pris naissance.

Une autre raison explique que les éléments constitutifs

  1. V. Classifications primitives, loc. cit., p. 40 et suiv.