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sont, avant tout, des dieux de l’initiation et, dans les cérémonies d’initiation, des tribus différentes sont généralement représentées. Si donc des êtres sacrés se sont formés qui ne se rattachent à aucune société, géographiquement déterminée, ce n’est pas qu’ils aient une origine extra-sociale. Mais c’est que, par-dessus ces groupements géographiques, il en existe déjà d’autres dont les contours sont plus indécis : ils n’ont pas de frontières arrêtées, mais comprennent toute sorte de tribus plus ou moins voisines et parentes. La vie sociale très particulière qui s’en dégage tend donc à se répandre sur une aire d’extension sans limites définies. Tout naturellement, les personnages mythologiques qui y correspondent ont le même caractère ; leur sphère d’influence n’est pas délimitée ; ils planent par-dessus les tribus particulières et par-dessus l’espace. Ce sont les grands dieux internationaux.

Or il n’y a rien dans cette situation qui soit spécial aux sociétés australiennes. Il n’est pas de peuple, pas d’État qui ne soit engagé dans une autre société, plus ou moins illimitée, qui comprend tous les peuples, tous les États avec lesquels le premier est directement ou indirectement en rapports ; il n’y a pas de vie nationale qui ne soit dominée par une vie collective de nature internationale. À mesure qu’on avance dans l’histoire, ces groupements internationaux prennent plus d’importance et d’étendue. On entrevoit ainsi comment, dans certains cas, la tendance universaliste a pu se développer au point d’affecter, non plus seulement les idées les plus hautes du système religieux, mais les principes mêmes sur lesquels il repose.

II

Il y a donc dans la religion quelque chose d’éternel qui est destiné à survivre à tous les symboles particuliers dans lesquels la pensée religieuse s’est successivement envelop-