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importent peu. Dans tous les cas, c’étaient les représentations, les croyances qui étaient considérées comme l’élément essentiel de la religion. Quant aux rites, ils n’apparaissaient, de ce point de vue, que comme une traduction extérieure, contingente et matérielle, de ces états internes qui, seuls, passaient pour avoir une valeur intrinsèque. Cette conception est tellement répandue que la plupart du temps, les débats dont la religion est le thème tournent autour de la question de savoir si elle peut ou non se concilier avec la science, c’est-à-dire si, à côté de la connaissance scientifique, il y a place pour une autre forme de pensée qui serait spécifiquement religieuse.

Mais les croyants, les hommes qui, vivant de la vie religieuse, ont la sensation directe de ce qui la constitue, objectent à cette manière de voir qu’elle ne répond pas à leur expérience journalière. Ils sentent, en effet, que la vraie fonction de la religion n’est pas de nous faire penser, d’enrichir notre connaissance, d’ajouter aux représentations que nous devons à la science des représentations d’une autre origine et d’un autre caractère, mais de nous faire agir, de nous aider à vivre. Le fidèle qui a communié avec son dieu n’est pas seulement un homme qui voit des vérités nouvelles que l’incroyant ignore ; c’est un homme qui peut davantage. Il sent en lui plus de force soit pour supporter les difficultés de l’existence soit pour les vaincre. Il est comme élevé au-dessus des misères humaines parce qu’il est élevé au-dessus de sa condition d’homme ; il se croit sauvé du mal, sous quelque forme, d’ailleurs, qu’il conçoive le mal. Le premier article de toute foi, c’est la croyance au salut par la foi. Or, on ne voit pas comment une simple idée pourrait avoir cette efficacité. Une idée, en effet, n’est qu’un élément de nous-mêmes ; comment pourrait-elle nous conférer des pouvoirs supérieurs à ceux que nous tenons de notre nature ? Si riche qu’elle soit en vertus affectives elle ne saurait rien ajouter à notre vitalité naturelle ; car elle ne peut que