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manière la conscience des fidèles : le respect qu’elles inspirent est mêlé d’amour et de reconnaissance. Les choses et les personnes qui sont normalement en rapports avec elles participent des mêmes sentiments et du même caractère : ce sont les choses et les personnes saintes. Tels sont les lieux consacrés au culte, les objets qui servent dans les rites réguliers, les prêtres, les ascètes, etc. — Il y a, d’autre part, les puissances mauvaises et impures, productrices de désordres, causes de mort, de maladies, instigatrices de sacrilèges. Les seuls sentiments que l’homme ait pour elles sont une crainte où il entre généralement de l’horreur. Telles sont les forces sur lesquelles et par lesquelles agit le sorcier, celles qui se dégagent des cadavres, du sang des menstrues, celles que déchaîne toute profanation des choses saintes, etc. Les esprits des morts, les génies malins de toute sorte en sont des formes personnifiées.

Entre ces deux catégories de forces et d’êtres, le contraste est aussi complet que possible et va même jusqu’à l’antagonisme le plus radical. Les puissances bonnes et salutaires repoussent loin d’elles les autres qui les nient et les contredisent. Aussi les premières sont-elles interdites aux secondes : tout contact entre elles est considéré comme la pire des profanations. C’est le type, par excellence, de ces interdits entre choses sacrées d’espèces différentes dont nous avons, chemin faisant, signalé l’existence[1]. Les femmes pendant la menstruation, et surtout à la première apparition des menstrues, sont impures ; aussi sont-elles, à ce moment, rigoureusement séquestrées ; les hommes ne doivent avoir avec elles aucun rapport[2]. Les bull-roarers, les churinga ne sont jamais en contact avec le mort[3]. Le

  1. V. plus haut, p. 430-431.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 460 ; North Tr., p. 602 ; Roth, North Queensland Ethnography, Bulletin n° 5, p. 24. Il est inutile de multiplier les références à l’appui d’un fait aussi connu.
  3. Spencer et Gillen citent cependant un cas où des churinga seraient placés sous la tête du mort (Nat. Tr. p. 156). Mais, de leur aveu, le fait est unique, anormal (ibid., p. 157), et il est énergiquement nié par Strehlow (II, p. 79).