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formalisme religieux, forme première, très vraisemblablement, du formalisme juridique, vient de ce que la formule à prononcer, les mouvements à exécuter, ayant en eux-mêmes la source de leur efficacité, la perdraient s’ils n’étaient pas exactement conformes au type consacré par le succès.

Ainsi il y a des rites sans dieux, et même il y a des rites d’où dérivent des dieux. Toutes les vertus religieuses n’émanent pas de personnalités divines et il y a des relations culturelles qui ont un autre objet que d’unir l’homme à une divinité. La religion déborde donc l’idée de dieux ou d’esprits, et par conséquent, ne peut se définir exclusivement en fonction de cette dernière.

III

Ces définitions écartées, mettons-nous nous-même en face du problème.

Remarquons tout d’abord que, dans toutes ces formules, c’est la nature de la religion dans son ensemble que l’on essaie d’exprimer directement. On procède comme si la religion formait une sorte d’entité indivisible, alors qu’elle est un tout formé de parties ; c’est un système plus ou moins complexe de mythes, de dogmes, de rites, de cérémonies. Or un tout ne peut être défini que par rapport aux parties qui le forment. Il est donc plus méthodique de chercher à caractériser les phénomènes élémentaires dont toute religion résulte, avant le système produit par leur union. Cette méthode s’impose d’autant plus qu’il existe des phénomènes religieux qui ne ressortissent à aucune religion déterminée. Tels sont ceux qui constituent la matière du folklore. Ce sont, en général, des débris de religions disparues, des survivances inorganisées ; mais il en est aussi qui se sont formés spontanément sous l’influence de causes locales. Dans nos pays européens, le