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gendre. Celui-ci, en retour, est tenu de s’en aller, accompagné par une troupe de parents et d’amis, provoquer un de ses frères tribaux, c’est-à-dire un homme qui appartient à la même classe matrimoniale que lui et qui, à ce titre, aurait pu épouser également la fille du mort. La provocation ne peut être refusée et les deux combattants s’infligent de sérieuses blessures aux épaules et aux cuisses. Le duel terminé, le provocateur remet à son adversaire la chevelure dont il avait provisoirement hérité. Ce dernier s’en va, à son tour, provoquer et combattre un autre de ses frères tribaux à qui la précieuse relique est ensuite transmise, mais toujours à titre provisoire ; elle passe ainsi de mains en mains et circule de groupe en groupe[1]. D’ailleurs, dans l’espèce de rage avec laquelle chaque parent se frappe, se brûle ou se taillade, il entre déjà quelque chose de ces mêmes sentiments : une douleur qui atteint ce paroxysme ne va pas sans colère. On ne peut pas n’être pas frappé des ressemblances que représentent ces pratiques avec celles de la vendetta. Les unes et les autres procèdent de ce même principe que la mort appelle des effusions de sang. Toute la différence est que, dans un cas, les victimes sont des parents et, dans l’autre, des étrangers. Nous n’avons pas à traiter spécialement de la Vendetta qui ressortit plutôt à l’étude des institutions juridiques ; il convenait pourtant de montrer comment elle se rattache aux rites du deuil dont elle annonce la fin[2].

Dans certaines sociétés, le deuil se termine par une cérémonie dont l’effervescence atteint ou dépasse encore celle qui se produit lors des cérémonies inaugurales. Chez les Arunta, ce rite de clôture est appelé Urpmilchima. Spencer et Gillen ont assisté à deux de ces rites. L’un était célébré en l’honneur d’un homme, l’autre, d’une femme. Voici la description qu’ils nous donnent du dernier[3].

  1. North Tr., p. 511-512.
  2. Dawson, p. 67 ; Roth, loc. cit., p. 366-367.
  3. Nat. Tr., p. 508-510.