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ce genre. Le terme de piaculum a, en effet, cet avantage que, tout en éveillant l’idée d’expiation, il a pourtant une signification beaucoup plus étendue. Tout malheur, tout ce qui est de mauvais augure, tout ce qui inspire des sentiments d’angoisse ou de crainte nécessite un piaculum et, par conséquent, est appelé piaculaire[1]. Le mot paraît donc très propre à désigner des rites qui se célèbrent dans l’inquiétude ou dans la tristesse.

I

Le deuil nous offre un premier et important exemple de rites piaculaires.

Toutefois, entre les différents rites qui constituent le deuil une distinction est nécessaire. Il en est qui consistent en de pures abstentions : il est interdit de prononcer le nom du mort[2], de séjourner à l’endroit où le décès a eu lieu[3] ; les parents, surtout ceux du sexe féminin, doivent s’abstenir de toute communication avec les étrangers[4] les occupations ordinaires de la vie sont suspendues, de même qu’en temps de fête[5], etc. Toutes ces pratiques ressortissent au culte négatif, s’expliquent comme les rites du même genre et, par conséquent, n’ont pas à nous occuper ici. Elles viennent de ce que le mort est un être sacré. Par suite, tout ce qui est ou a été en rapports avec lui se trouve, par contagion, dans un état religieux qui exclut tout contact avec les choses de la vie profane.

Mais le deuil n’est pas fait uniquement d’interdits à

  1. Piacularia auspicia appellabant quae sacrificantibus tritia portendebant (Paul ex fest., p. 244, éd. Muller). Le mot de piaculum est même employé comme synonyme de malheur. « Vetonica herba, dit Pline, tantum gloriae habet ut domus in qua sata sit tuta existimetur a piaculis omnibus » (XXV, 8, 46).
  2. North Tr., p. 526 ; Eylmann, p. 239. Cf. plus haut, p. 436.
  3. Brough Smyth, 9, p. 106 ; Dawson, p. 64 ; Eylmann, p. 239.
  4. Dawson, p. 66 ; Eylmann, p. 241.
  5. Nat. Tr., p. 502 ; Dawson, p. 67.