Page:Durkheim - Les Formes élémentaires de la vie religieuse.djvu/551

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

groupes totémiques. Comme eux, il a ses lieux sacrés (mungai) où l’ancêtre fondateur a célébré des cérémonies aux temps fabuleux, où il a laissé, derrière lui, des spirit-children qui sont devenus les hommes du clan ; et les rites qui se rattachent à ce totem sont indiscernables de ceux qui se rapportent aux totems animaux ou végétaux[1]. Il est pourtant évident qu’ils ne sauraient avoir d’efficacité physique. Ils consistent en une série de quatre cérémonies qui se répètent plus ou moins les unes les autres, mais qui sont uniquement destinées à amuser, à provoquer le rire par le rire, c’est-à-dire, en somme, à entretenir la gaîté et la bonne humeur dans le groupe qui a comme la spécialité de ces dispositions morales[2].

On trouve chez les Arunta eux-mêmes plus d’un totem qui ne comporte pas d’autre Intichiuma. Nous avons vu en effet que, chez ce peuple, les plis ou les dépressions de terrains qui marquent l’endroit où quelque ancêtre a séjourné servent parfois de totems[3]. À ces totems sont attachées des cérémonies qui, manifestement, ne peuvent avoir d’effets physiques d’aucune sorte. Elles ne peuvent consister qu’en représentations dont l’objet est de commémorer le passé et elles ne peuvent viser aucun but, en dehors de cette commémoration[4].

En même temps qu’elles nous font mieux comprendre la nature du culte, ces représentations rituelles mettent en évidence un important élément de la religion : c’est l’élément récréatif et esthétique.

Déjà nous avons eu l’occasion de montrer qu’elles sont

  1. North. Tr., p. 207-208.
  2. Ibid., p. 210.
  3. V. dans la liste des totems dressée par Strehlow, les nos 432-442 (II, p. 72).
  4. V. Strehlow, III, p. 8. Il y a également chez les Arunta un totem Worra qui ressemble beaucoup au totem du « garçon qui rit » chez les Warramunga (ibid. et III, p. 124). Worra signifie jeunes gens. La cérémonie a pour objet de faire en sorte que les jeunes gens prennent plus de plaisir au jeu de labara (v. sur ce jeu Strehlow, I, p. 55, n. 1).