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ment, selon toute vraisemblance, le mythe du Wollunqua a pris naissance. Pour expliquer la présence, dans une même phratrie, de tant de totems similaires, on a imaginé qu’ils étaient tous dérivés d’un seul et même totem ; seulement, on dut nécessairement lui prêter des formes gigantesques afin que, par son aspect même, il fût en rapport avec le rôle considérable qui lui était assigné dans l’histoire de la tribu.

Or le Wollunqua est l’objet de cérémonies qui ne diffèrent pas en nature de celles que nous avons précédemment étudiées : ce sont des représentations où sont figurés les principaux événements de sa vie fabuleuse. On le montre sortant de terre, passant d’une localité dans l’autre ; on représente les divers épisodes de ses voyages, etc. Spencer et Gillen ont assisté à quinze cérémonies de ce genre qui se sont succédé du 27 juillet au 23 août, s’enchaînant les unes aux autres suivant un ordre déterminé, de manière à former un véritable cycle[1]. Par le détail des rites qui la constituent, cette longue fête est donc indistincte de l’Intichiuma ordinaire des Warramunga ; c’est ce que reconnaissent les auteurs qui nous l’ont décrite[2]. Mais, d’un autre côté, c’est un Intichiuma qui ne saurait avoir pour objet d’assurer la fécondité d’une espèce animale ou végétale, puisque le Wollunqua est, à lui seul, sa propre espèce et qu’il ne se reproduit pas. Il est ; et les indigènes ne paraissent pas avoir le sentiment qu’il ait besoin d’un culte pour persévérer dans son être. Non seulement ces cérémonies n’ont pas l’efficacité de l’Intichiuma classique, mais il ne semble pas qu’elles aient une efficacité matérielle d’aucune sorte. Le Wollunqua n’est pas une divinité préposée à un ordre déterminé de phénomènes naturels

  1. L’une des plus solennelles de ces cérémonies est celle que nous avons eu l’occasion de décrire plus haut (p. 311-312), au cours de laquelle une image du Wollunqua est dessinée sur une sorte de tumulus qui est ensuite mis en pièces au milieu d’une effervescence générale.
  2. North. Tr., p. 227, 248.