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Le Wollunqua est, comme nous l’avons déjà dit, un totem d’un genre très particulier. Ce n’est pas une espèce animale ou végétale, mais un être unique : il n’existe qu’un Wollunqua. De plus, cet être est purement mythique. Les indigènes se le représentent comme une sorte de serpent colossal dont la taille est telle que, quand il se dresse sur la queue, sa tête se perd dans les nuages. Il réside, croit-on, dans un trou d’eau, appelé Thapauerlu, qui est caché au fond d’une vallée solitaire. Mais s’il diffère par certains côtés des totems ordinaires, il en a cependant tous les caractères distinctifs. Il sert de nom collectif et d’emblème à tout un groupe d’individus qui voient en lui leur commun ancêtre, et les rapports qu’ils soutiennent avec cette bête mythique sont identiques à ceux que les membres des autres totems croient soutenir avec les fondateurs de leurs dans respectifs. Au temps de l’Alcheringa[1], le Wollunqua parcourait en tous sens le pays. Dans les différentes localités où il s’arrêtait, il essaimait des spirit-children, des principes spirituels, qui servent encore d’âmes aux vivants d’aujourd’hui. Le Wollunqua est même considéré comme une sorte de totem éminent. Les Warramunga sont divisés en deux phratries appelées l’une Uluuru, et l’autre Kingilli. Presque tous les totems de la première sont des serpents d’espèces différentes. Or ils passent tous pour être descendus du Wollunqua : on dit qu’il est leur grand-père[2]. On peut entrevoir par là com-

  1. Pour ne pas compliquer la terminologie, nous nous servons du mot arunta : chez les Warramunga, on appelle Wingara cette période mythique.
  2. Il n’est pas aisé, disent Spencer et Gillen, d’exprimer avec des mots ce qui est plutôt chez les indigènes un vague sentiment. Mais après avoir observé attentivement les différentes cérémonies, nous avons eu très nettement l’impression que, dans l’esprit des indigènes, le Wollunqua répondait à l’idée d’un totem dominant » (North. Tr., p. 248).