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Mauss quand ils ont étudié directement la magie[1]. Ils ont montré que celle-ci était tout autre chose qu’une industrie grossière, fondée sur une science tronquée. Derrière les mécanismes, purement laïcs en apparence, qu’emploie le magicien, ils ont fait voir tout un arrière-fond de conceptions religieuses, tout un monde de forces dont la magie a emprunté l’idée à la religion. Nous pouvons maintenant comprendre d’où vient qu’elle est ainsi toute pleine d’éléments religieux : c’est qu’elle est née de la religion.

III

Mais le principe qui vient d’être expliqué n’a pas seulement une fonction rituelle ; il intéresse directement la théorie de la connaissance. C’est, en effet, un énoncé concret de la loi de causalité et, selon toute vraisemblance, un des énoncés les plus primitifs qui aient existé. Toute une conception de la relation causale est impliquée dans le pouvoir qui est ainsi attribué au semblable de produire son semblable ; et cette conception domine la pensée primitive, puisqu’elle sert de base, à la fois, aux pratiques du culte et à la technique du magicien. Les origines du précepte sur lequel reposent les rites mimétiques sont donc de nature à éclairer celles du principe de causalité. La genèse de l’un doit nous aider à comprendre la genèse de l’autre. Or, on vient de faire voir que le premier est un produit de causes sociales : ce sont des groupes qui l’ont élaboré en vue de fins collectives et ce sont des sentiments collectifs qu’il traduit. On peut donc présumer qu’il en est de même du second.

Il suffit, en effet, d’analyser le principe de causalité pour s’assurer que les divers éléments dont il est composé ont bien cette origine.

  1. Loc. cit., p. 108 et suiv.