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Rencontre[1]. Partout, il est fait des mêmes éléments essentiels. Quelques spécimens de la plante ou de l’animal totémique sont présentés au chef du clan qui en mange solennellement et qui est tenu d’en manger. S’il ne s’acquittait pas de ce devoir, il perdrait le pouvoir qu’il a de célébrer efficacement l’Intichiuma, c’est-à-dire de recréer annuellement l’espèce. Parfois, la consommation rituelle est suivie d’une onction faite avec la graisse de l’animal ou certaines parties de la plante[2]. Généralement, le rite est ensuite répété par les gens du totem ou, tout au moins, par les anciens et, une fois qu’il est accompli, les interdits exceptionnels sont levés.

Dans les tribus situées plus au nord, chez les Warrarnunga et dans les sociétés voisines[3], cette cérémonie fait actuellement défaut. Toutefois, on en trouve encore des traces qui semblent bien témoigner qu’il fut un temps où elle n’était pas ignorée. Jamais, il est vrai, le chef du clan ne mange rituellement et obligatoirement du totem. Mais, dans certains cas, les gens qui ne sont pas du totem dont l’Intichiuma vient d’être célébré, sont tenus d’apporter l’animal ou la plante au camp et de l’offrir au chef en lui demandant s’il veut en manger. Il refuse et ajoute : « J’ai fait ceci pour vous ; vous pouvez en manger librement[4] ». L’usage de la présentation subsiste donc et la question posée au chef paraît bien se rapporter à une époque où la consommation rituelle était pratiquée[5].

  1. Meyer, in Woods, p. 187.
  2. Nous en avons déjà cité un cas ; on en trouvera d’autres dans Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 205 ; North. Tr., p. 286.
  3. Les Walpari, Wulmala, Tjingilli, Umbaia.
  4. North. Tr., p. 318.
  5. Pour cette seconde partie de la cérémonie comme pour la première, nous avons suivi Spencer et Gillen. Mais le récent fascicule de Strehlow ne fait, sur ce point, que confirmer les observations de ses devanciers, au moins dans ce qu’elles ont d’essentiel. Il reconnaît, en effet, que, après la première cérémonie (deux mois après, est-il dit., p. 13), le chef du clan mange rituellement de l’animal ou de la plante totémique et qu’ensuite il est procédé à la levée des interdits ;