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endroit où un gros bloc de quartzite est enfoncé dans le sol, avec tout autour, des petites pierres arrondies. Le bloc représente la chenille Witchetty à l’état adulte. L’Alatunja, le frappe avec une sorte de petite auge en bois appelée apmara[1], en même temps qu’il psalmodie un chant dont l’objet est d’inviter l’animal à pondre. Il procède de même avec les pierres, qui figurent les œufs de l’animal, et, avec l’une d’elles, il frotte l’estomac de chaque assistant. Cela fait, ils descendent tous un peu plus bas, au pied d’un rocher, également célébré dans les mythes de l’Alcheringa, à la base duquel se trouve une autre pierre qui, elle aussi, représente la chenille witchetty. L’Alatunja la frappe avec son apmara ; les gens qui l’accompagnent en font autant avec des branches de gommier qu’ils ont cueillies en route, le tout au milieu de chants qui renouvellent l’invitation précédemment adressée à l’animal. Près de dix endroits différents sont successivement visités, dont quelques-uns sont parfois situés à un mille les uns des autres. Dans chacun d’eux, au fond d’une sorte de cave ou de trou, se trouve quelque pierre qui est censée figurer la chenille witchetty sous l’un, de ses aspects ou à l’une des phases de son existence, et sur chacune de ces pierres les mêmes cérémonies sont répétées.

Le sens du rite est apparent. Si l’Alatunja frappe les pierres sacrées, c’est pour en détacher de la poussière. Les grains de cette poussière très sainte sont considérés comme autant de germes de vie ; chacun d’eux contient un principe spirituel qui, en s’introduisant dans un organisme de la même espèce, y donnera naissance à un être nouveau. Les branches d’arbre dont se sont munis les assistants servent à disperser dans toutes les directions cette précieuse poussière ; elle s’en va, de tous les côtés, faire son œuvre fécondante. Par ce moyen, on croit avoir assuré la reproduction abondante de l’espèce animale

  1. L’Apmara est le seul objet qui ait été emporté du camp.