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ment la maladie et la mort. C’est donc que des forces d’un autre genre sont en jeu, analogues à celles qui, dans toutes les religions, sont censées réagir contre les sacrilèges.

Si, d’ailleurs, certains aliments sont interdits au profane parce qu’ils sont sacrés, d’autres, au contraire, sont interdits, parce que profanes, aux personnes marquées d’un caractère sacré. Ainsi, il est fréquent que des animaux déterminés soient affectés spécialement à l’alimentation des femmes ; pour cette raison, on croit qu’ils participent de la nature féminine, et, par conséquent, qu’ils sont profanes. Le jeune initié, au contraire, est soumis à un ensemble de rites d’une particulière gravité ; pour pouvoir lui communiquer les vertus qui lui permettront de pénétrer dans le monde des choses sacrées d’où il était exclu jusqu’alors, on fait converger sur lui un faisceau exceptionnellement puissant de forces religieuses. Il se trouve donc dans un état de sainteté qui repousse au loin tout ce qui est profane. Aussi lui est-il défendu de manger du gibier qui est censé ressortir aux femmes[1].

Mais le contact peut s’établir autrement que par le toucher. On est en relations avec une chose par cela seul qu’on la regarde : le regard est une mise en rapports. C’est pourquoi la vue des choses sacrées est, dans certains cas, interdite aux profanes. La femme ne doit jamais voir les instruments du culte ; tout au plus lui est-il permis de les apercevoir de loin[2]. Il en est de même des peintures totémiques exécutées sur le corps des officiants à l’occasion de cérémo-

  1. Howitt, Nat. Tr., p. 674. — Il y a une interdiction de contact dont nous ne disons rien parce que la nature exacte n’en est pas très facilement déterminable : c’est le contact sexuel. Il y a des périodes religieuses où l’homme ne doit pas avoir commerce avec la femme (North. Tr., p. 293, 295 ; Howitt, Nat. Tr., p. 387). Est-ce parce que la femme est profane ou parce que l’acte sexuel est un acte redouté ? La question ne peut être tranchée en passant. Nous l’ajournons comme tout ce qui concerne les rites conjugaux et sexuels. Ils tiennent trop étroitement au problème du mariage et de la famille pour en pouvoir être séparés.
  2. Spencer et Gillen, Nat. Tr., p. 134 ; Howitt, Nat. Tr., p. 354.