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et, inversement, si celui que l’un a s’acquitte mal de son rôle, on peut en changer[1].

Mais en même temps qu’il a quelque chose de plus facultatif et de plus libre, le totémisme individuel a une force de résistance à laquelle le totémisme de clan, est loin d’atteindre. Un des principaux informateurs de Hill Tout était un Salish baptisé ; et cependant, bien qu’il eût sincèrement abandonné toutes les croyances de ses ancêtres, bien qu’il fût devenu un catéchiste modèle, sa foi dans l’efficacité des totems personnels restait inébranlable[2]. De même, alors qu’il ne reste plus de traces visibles du totémisme collectif dans les pays civilisés, l’idée qu’il existe une solidarité entre chaque individu et un animal, une plante ou un objet extérieur quelconque est à la base d’usages qui sont encore observables dans plusieurs pays d’Europe[3].

II

Entre le totémisme collectif et le totémisme individuel, il existe une forme intermédiaire qui tient de l’un et de l’autre : c’est le totémisme sexuel. On ne le rencontre qu’en Australie et dans un petit nombre de tribus. On le signale surtout dans Victoria et dans la Nouvelle-Galles du Sud[4]. Mathews, il est vrai, déclare l’avoir observé dans toutes les parties de l’Australie qu’il a visitées, mais sans rapporter de faits précis à l’appui de son affirmation[5].

  1. Charlevoix, VI, p. 69.
  2. Hill Tout, ibid., p. 145.
  3. Ainsi, à la naissance d’un enfant, on plante un arbre que l’on entoure de soins pieux ; car on croit que son sort et celui de l’enfant sont solidaires. Frazer, dans son Golden Bough, a rapporté nombre d’usages ou de croyances qui traduisent différemment la même idée (cf. Hartland, Legend of Perseus, II, p. I-55),
  4. Howitt, Nat. Tr., p. 148 et suiv. ; Fison et Howitt, Kamilaroi and Kurnai, p. 194, 201 et suiv. ; Dawson, Australian Aborigines, p. 52. Petrie le signale aussi dans le Queensland (Tom Petries Reminiscences of Early Queensland, p. 62 et. 118).
  5. Journal a. Proced. of the R. Society of N. S. Wales, XXXVIII, p. 339. Faut-il voir une trace de totémisme sexuel dans l’usage suivant des Warramunga ? Avant d’ensevelir le mort, on garde un os du bras. Si c’est celui d’une femme, on ajoute à l’écorce dans laquelle il est enveloppé des plumes d’émou ; s’il s’agit d’un homme, des plumes de hibou (North. Tr., p. 169).