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suivante, il eut un rêve où le snam lui apparut sous la forme d’un être humain qui lui révéla le nom mystérieux qu’on doit prononcer quand on veut l’invoquer, et qui lui promit sa protection »[1].

Non seulement le totem individuel est acquis ; et non donné, mais l’acquisition n’en est généralement pas obligatoire. Tout d’abord, il y a, en Australie, une multitude de tribus où cet usage semble entièrement inconnu[2]. De plus, là même où il existe, il est souvent facultatif. Ainsi, chez les Euahlayi, si tous les magiciens ont un totem individuel de qui ils tiennent leurs pouvoirs, il y a un grand nombre de laïcs qui en sont dépourvus. C’est une faveur dont le magicien est le dispensateur, mais qu’il réserve surtout à ses amis, à ses favoris, à ceux qui aspirent à devenir ses confrères[3]. De même, chez certains Salish, les individus qui veulent exceller particulièrement soit à la guerre soit à la chasse ou les aspirants à la fonction de shamane sont les seuls à se munir d’un protecteur de ce genre[4]. Le totem individuel paraît donc être considéré, au moins par certains peuples, comme un avantage et une commodité, plutôt que comme une nécessité. Il est bon de s’en procurer ; mais on n’y est pas tenu. Inversement, on n’est pas obligé de se contenter d’un seul totem ; si l’on veut être mieux protégé, rien ne s’oppose à ce que l’on cherche à en acquérir plusieurs[5]

  1. Hill Tout (J.A.I., XXXV, p. 146-147). Le rite essentiel est celui qui consiste à souffler sur la peau : s’il n’était pas correctement exécuté, la transmission n’aurait pas lieu. C’est que, comme nous le verrons plus loin, le souffle, c’est l’âme. En soufflant tous deux sur la peau de l’animal, le magicien et le récipiendaire exhalent quelque chose de leurs âmes qui se pénètrent, en même temps qu’elles communient avec la nature de l’animal qui, lui aussi, prend part à la cérémonie sous la forme de son symbole.
  2. N. W. Thomas, Further Remarks on Mr. Hill Tout’s Views on Totemism, in Man, 1904, p. 85.
  3. Langloh Parker, op. cit., p. 20, 29.
  4. Hill Tout, in J.A.I., XXXV, p. 143 et 146 ; ibid., XXXIV, p. 324.
  5. Parker, op. cit., p. 30 ; Teit, The Thompson Indians, p. 320 ; Hill Tout, in J.A.I., XXXV, p. 144.